En comparant Facebook à l’industrie du tabac devant le Congrès américain le 5 octobre dernier, la lanceuse d’alerte Frances Haugen a conforté les législateurs dans l'idée d'une urgence à encadrer les géants du numérique.
- Romain Badouard Maître de conférences et chercheur en sciences de l’information et de la communication à l’université Paris II Panthéon-Assas
- Charles Thibout Chercheur en science politique à la Joint European Disruptive Initiative, à l’IRIS et à Paris 1
En comparant Facebook à l’industrie du tabac devant le Congrès américain, le 5 octobre dernier, la lanceuse d’alerte Frances Haugen, ancienne employée de la plateforme, est venue confortée les législateurs dans l’idée d’une urgence à encadrer les géants du numérique.
Depuis l’élection de Joe Biden et la prise d’assaut du Capitole en janvier dernier, un rare consensus transpartisan semble se dessiner outre-Atlantique en faveur de l’encadrement de ces firmes. Une dynamique que l’on observe également en Europe, avec la proposition d’un Digital Services Act par la Commission européenne, ou encore l’adoption d’une législation « Online Harms » au Royaume-Uni.
Pour la puissance publique, l’enjeu est double. D’une part, lutter contre des monopoles, comme celui détenu par Facebook, dont la récente panne générale a rappelé qu’il était également propriétaire d’Instagram et WhatsApp. De l’autre, réguler les contenus tout en préservant la liberté d’expression.
Si ces deux défis semblent juridiquement et économiquement très complexes, le précédent du Règlement générale sur la protection des données, le RGPD, adopté par l’Europe en 2016, rappelle que légiférer sur Internet est bien du domaine du possible.
Quelles stratégies l’Europe et les Etats-Unis déploient-ils pour encadrer les réseaux sociaux ? Quels obstacles rencontrent-ils ? Dans quelle mesure le témoignage de Frances Haugen et ceux d’autres repentis de la tech servent-ils la volonté régulatrice des Etats ?
Aux Etats-Unis comme en Europe, la question de la responsabilité et du statut des acteurs du Web fait débat : quel est le niveau de responsabilité de ces acteurs par rapport aux contenus que les internautes postent par leur biais ? Romain Badouard
En l’état actuel des choses, Facebook fait ce qu’il veut. La section 230 lui permet de n’avoir aucune responsabilité quant à ses pratiques de modération, mais on considère aussi que le premier amendement permet à ces plateformes, en tant qu’entreprises privées, de modérer, censurer, bannir à leur discrétion. Florence G’sell
Florian Delorme reçoit Florence G’sell, professeure de droit à l’Université de Lorraine et titulaire de la Chaire Digital, gouvernance et souveraineté de Sciences Po et Romain Badouard, maître de conférences en science de l’information et de la communication à l’Université Paris II Panthéon-Assas.
Seconde partie : le focus du jour
L’Europe au piège du RGPD chinois
Si les puissances occidentales peinent à encadrer les contenus publiés sur les plateformes numériques et à leur faire respecter le droit de la concurrence, il est un domaine sur lequel l’Union européenne est parvenue à imposer son droit, c’est celui de la protection des données personnelles. Adopté en 2016, le Règlement générale sur la protection des données, le fameux RGPD, sert de référence et d’inspirations pour les législateurs étrangers. On a ainsi vu un texte proche adopté en Californie, mais aussi, plus récemment, en Chine, où une « loi sur la protection des informations personnelles » doit entrer en vigueur le 1er novembre. Une initiative notamment destinée à faire pression sur les acteurs européens du numérique.
Pour les autorités chinoises, il y a l’idée de pousser les Européens à accepter que les entreprises chinoises rentrent plus profondément sur le marché continental, et celle d’empêcher les GAFAM de pénétrer le marché chinois. Charles Thibout
Avec Charles Thibout, chercheur en science politique à la Joint European Disruptive Initiative, à l’IRIS et à Paris 1.
Références sonores
- Témoignage de Frances Haugen, ex cadre de Facebook, lanceuse d’alerte, devant le Congrès américain le 5 octobre 2021 (BFMTV le 16 octobre 2021)
- Margrethe Vestager sur le Digital Services Act, la législation et la sécurisation d’Internet devant la Commission européenne (Euronews le 15 décembre 2020)
- La présidente de la FTC, Lina Khan, a témoigné à l'audience avec les commissaires Noah Joshua Phillips, Rohit Chopra, Rebecca Slaughter et Christine Wilson (CNBC Television, 28 juillet 2021)
Références musicales
- « Fentiger» (Clark remix) de NATHAN FAKE (Label : Warp Records)
- The Internet is Down - THE MUSICAL feat. Thomas Sanders
L'équipe
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