Ses enquêtes sur la corruption au plus haut de l’Etat et sa popularité - accentuée par son empoisonnement, selon toute vraisemblance par les services secrets russes - font de lui le premier opposant à Vladimir Poutine. Qui est Alexeï Navalny ? Qui, aujourd'hui, le soutient en Russie ?
- Benoît Vitkine Journaliste
- Galia Ackerman Journaliste, historienne, spécialiste du monde russe
- Cécile Vaissié Historienne, professeure d'études russes et soviétiques à l'Université Rennes-II et chercheuse au CERCLE à l'Université Nancy II
Le 2 février 2021, Alexeï Navalny - tout juste rentré d’Allemagne où il avait été hospitalisé après avoir été empoisonné l’été dernier - était condamné à trois ans et demi de prison ferme pour ne pas s’être présenté à son contrôle judicaire, malgré le soutien de milliers de manifestants qui dénoncent l’acharnement dont il fait l’objet.
Depuis une dizaine d’années, ses enquêtes dérangent, au point même qu’il est devenu pour le pouvoir une véritable obsession qui, parfois, tourne au ridicule comme on a pu le voir à la Douma - où les députés ont discuté des moyens législatifs permettant d’empêcher les rassemblements programmés en février 2021 et où ses soutiens avaient prévu de sortir, lampe de téléphone allumée, en signe de solidarité.
Et même si d’aucuns doutent sur sa capacité à incarner une véritable alternative à Vladimir Poutine, il n’en demeure pas moins que l'opposant est devenu une figure centrale de la vie politique russe parvenant à rassembler derrière lui de plus en plus de mécontents qui veulent en finir avec un président Poutine au pouvoir depuis plus de 20 ans - et qui compte bien s’y maintenir encore longtemps...
Mais qui est vraiment Alexeï Navalny, au-delà de l’icône qu’il est devenu pour les médias occidentaux ? Quel est son projet politique, et comment est-il devenu le premier opposant à Poutine ?
Qui sont ses soutiens ? Que représente-t-il politiquement ? Et qu’est-ce que les affaires de corruption révélées par sa fondation révèle de la nature du régime actuel en Russie ?
Pour répondre à ces questions, Cultures Monde reçoit Galia Ackerman, docteure en histoire et chercheuse associée à l'Université́ de Caen, spécialiste de l’Ukraine et de l'idéologie de la Russie post-soviétique, ainsi que Benoît Vitkine, correspondant du Monde à Moscou.
On ne peut que constater que les pouvoirs russes - ou en tout cas ceux qui ont géré l'affaire Navalny - ont considéré que c'était un bon calcul que de le mettre en prison. Pendant des années, la stratégie vis-à-vis de Navalny était de le rendre invisible, le marginaliser. Mais il a été décidé que cette stratégie d'invisibilisation n'était plus suffisante, et que la meilleure façon de s'en débarrasser, c'était de le tuer, ou de le mettre en prison. Benoît Vitkine
La diabolisation de Navalny et de son entourage a atteint des sommets incroyables dans les médias russes. On l'accuse de nationalisme ou d'antisémitisme, on dit que c'est un nazi, on dit que c'est une marionnette à la solde de l'Occident. Galia Ackerman
Seconde partie : le focus du jour
Ioulia Galiamina, opposante de terrain
Ioulia Galiamina est une universitaire, entrée en politique en 2017 lors des élections municipales. Militante, elle participe à de nombreuses manifestations, et est arrêtée à plusieurs reprises. En 2020, lors de manifestations contre une réforme constitutionnelle qui permet à Poutine de se présenter jusqu’en 2036, elle est arrêtée est condamnée à trois ans de prison. Le verdict de son procès tombe le 28 décembre : 2 ans avec sursis. Son parcours nous permet de comprendre comment, aujourd'hui, s’organise l’opposition en Russie, et ce au plus proche du terrain.
Avec Cécile Vaissié, professeure d'études russes et soviétiques à l'Université Rennes-II.
Ce qui est intéressant, c'est que Ioulia Galiamina est l'une des personnes qui entourent Navalny, mais sans forcément le soutenir. Son action montre que le mouvement de contestation n'est pas un "phénomène Navalny", mais un phénomène beaucoup plus important, avec d'autres personnalités extrêmement intéressantes qui voudraient participer, à leur niveau, au pouvoir. Cécile Vaissié
Une émission préparée par Bertille Bourdon.
Références sonores
- Extrait du verdict du tribunal de Moscou à l’encontre d’Alexeï Navalny (LCI, 04 février 2021)
- Alexeï Navalny explique que le pouvoir russe « n’arrive pas à faire peur à ses opposants » (BFM, 02 février 2021)
- Vassili Kunin, élu local et membre de l’opposition affirme que, contrairement à ce que dit le pouvoir, l’opposition est bien présente dans les rues (Arte, reportage de Mascha Rodé, 1er février 2021)
- Une manifestante moscovite considère que la liberté d’expression est bafouée en Russie (France 24, 31 janvier 2021)
- Extrait d'un documentaire d’Alexeï Navalny, mis en ligne le 19 janvier 2021, dans lequel il dénonce le luxe du palais de Vladimir Poutine (Mediapart, 9 février 2021)
- Témoignage d'un manifestant venu soutenir Ioulia Galiamina devant le tribunal où elle est jugée (The Insider, 23 décembre 2020)
Références musicales
- « Notes » de Christian Löffler (Label : Ki records)
- « Vladimir Putin » du rappeur russe Slava KPSS (Label : NNM_404)
L'équipe
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