

Les Etats-Unis se sont lancés dans la ruée vers le gaz de schiste. Aujourd'hui le pays est le premier producteur de gaz mondial. Mais les techniques d'extraction par fracturation hydraulique ne sont pas sans conséquences sur l'environnement et la santé, et le secteur est très difficile à réguler.
- Sophie Méritet maîtresse de conférences en sciences économiques à l'Université Paris-Dauphine, chercheuse au Centre de géopolitique de l'énergie et des matières premières (CGEMP).
- Romain Huret Historien, spécialiste des États-Unis
- Sébastien Velut géographe, professeur à l'université Paris 3, ancien directeur de l'Institut des hautes études de l'Amérique latine (IHEAL) et du Centre de recherche et de documentation des Amériques (CREDA)
Depuis 2005, les Etats-Unis se sont lancés corps et âme dans la ruée vers le gaz de schiste et l’exploitation de ces hydrocarbures dits “non conventionnels” grâce à la technologie de la fracturation hydraulique, le fracking. Le développement de cette production a permis aux Etats-Unis de retrouver son indépendance énergétique et même de devenir le premier producteur de gaz au monde. Mais, la fracturation hydraulique suscite de plus en plus d’inquiétude : cette révolution énergétique n’est pas sans conséquences pour l’environnement et la santé. Si le gaz de schiste rejette moins de CO2 dans l’atmosphère que le charbon, son extraction demande des quantités d’eau colossales, afin d’injecter de nombreux composants chimiques dans les sols pour en extraire le gaz.
S'ajoutent à cela des interrogations d’ordre économique : la baisse du prix du baril rend l’exploitation du gaz de schiste moins rentable et entraîne avec elle la faillite des entreprises de ce secteur. La nouvelle administration américaine marquera-t-elle une rupture dans le domaine de l’énergie, en particulier en matière d’extraction gazière ? Quels obstacles se heurtent à une meilleure régulation de l’exploitation des gaz de schiste ? Quelles sont les conséquences de la fracturation hydraulique pour les communautés concernées ?
Nos invités pour en parler sont Sophie Méritet, maîtresse de conférences en sciences économiques à l'Université Paris-Dauphine, chercheuse au Centre de géopolitique de l'énergie et des matières premières (CGEMP) et Romain Huret, historien spécialiste des États-Unis au XXe siècle (EHESS et université Lyon 2).
Les entreprises de forage fonctionnent par saut de puces. Elles exploitent massivement et repartent. Le passage de ces exploitations détériore les sols et délaisse des communautés, constituées de populations très peu qualifiées. Les salariés se retrouvent sans emploi alors que pour certains c’était l’opportunité de retrouver la sociabilité générée par le travail, une stabilité familiale... Par la suite on parle de ville fantôme et cela s’inscrit dans un capitalisme jetable qui va et qui vient. Romain Huret
Il y a des doutes sur la pérennité de la filière car l’industrie est très court-termiste. La production d’un puits de gaz décline extrêmement vite la première année et dans les trois années de mise en service. Cet effondrement des quantités extraites oblige à forer de nouveau puits pour maintenir la production. L’année dernière, 90% des investissements en gaz ont servi à maintenir le volume de production. Un très petit nombre d’entreprises ont des revenus supérieurs aux dépenses qui sont engendrées par l’exploitation. Sophie Méritet
Seconde partie - le focus du jour
La Vaca Muerta, source d’espoir pour l’Argentine ?
L’Argentine est la deuxième réserve de gaz non-conventionnel au monde. Un des plus gros gisements au monde - 30 000 km2 - se trouve sur le site de Vaca Muerta en Patagonie dans la région de Neuquén. Un site qui suscite l’intérêt du gouvernement pour relancer une économie en crise. Malgré le désastre écologique, la contestation sociale et le prix du baril très bas, le site ne semble pas remis en question par les autorités. Que représente la Vaca Muerta pour le gouvernement argentin ?
Entretien avec Sébastien Velut, géographe, professeur à l'université Paris 3, ancien directeur de l'Institut des hautes études de l'Amérique latine (IHEAL) et du Centre de recherche et de documentation des Amériques (CREDA).
L’exploitation non conventionnelle est invasive, destructrice et perturbe la vie des communautés qui vivent sur ces territoires. Certains effets sont mal mesurés, notamment certains liés à l’usage de produits chimiques dans l’exploitation. Ces voix-là sont entendues et sont relayées par un certain nombre de groupes opposés à l’extractivisme en général. Ils désirent des politiques plus attentives aux équilibres éco-systémiques mais il y a une trop forte poussée politique de la part de l’Etat et des Etats décentralisés, qui sont clairement en faveur du gaz de schiste. Sébastien Velut
Pour approfondir le sujet, retrouvez ici la conférence en ligne de l’Institut des Amériques : "Hydrocarbures non conventionnels dans les Amériques : une nouvelle donne énergétique face à la crise globale".

Une émission préparée par Lucas Lazo et Albane Barrau.
Références sonores
- Extrait du discours sur l’état de l’Union de Barack Obama le 26 janvier 2012 (site de la Maison Blanche, 26 janvier 2012)
- Annonce par Donald Trump de la signature d’un décret pour protéger la fracturation hydraulique lors d’un meeting en Pennsylvanie (The Sun, 1 novembre 2020)
- Le président Joe Biden a signé une série d'actes exécutifs visant à lutter contre le changement climatique, notamment en suspendant les nouvelles concessions pétrolières et gazières sur les terres fédérales fossiles, dans le cadre des politiques vertes qu'il a présentées comme un atout pour l’économie (Reuters, 27 janvier 2021)
- Témoignage de Susan Sullivan, à Evans City (Pennsylvanie) qui décrit ses symptômes alors qu’elle habite à quelques encablures d’un puits de gaz de schiste (France 24, 08 juillet 2014)
- Témoignage d’un éleveur Texan JR Mac Callum qui considère que les ressources en termes de gaz de schistes ne sont pas inépuisables (Extrait du documentaire « A l’ombre des mirages du Texas » de Yuri Maldavsky diffusé dans Arte Reportage le 15 août 2019)
- Lorena Bravo, porte-parole des Mapuche de Campo Maripe à propos du gisement de Vaca Muerta en Argentine (AFP, 2020)
Références musicales
- « Paused » de Kiasmos (Label : Erased Tapes)
- « Don’t Frack my mother » de Sean Lennon, Yoko Ono sur l’album « Artists Against Fracking Present » sorti en 2013
L'équipe
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