Alors que l'Afghanistan sombre dans une crise économique aux graves conséquences humanitaires, la reconnaissance internationale est un enjeu primordial pour les Talibans. Or, la garantie sécuritaire qu'ils apportent face au terrorisme semble déjà les rendre diplomatiquement incontournables.
- Didier Chaudet Chercheur associé à l’IFEAC
- Gilles Dorronsoro Professeur de science politique à l’Université Paris-I et membre senior de l’Institut universitaire de France
- Karim Pakzad Chercheur à l'IRIS, spécialiste de l'Irak, de la Syrie, de l'Afghanistan et de l'Iran
Le 20 octobre dernier, Moscou recevait une délégation talibane, avec des représentants de la Chine, de l’Iran et du Pakistan. Avant cela, les nouveaux dirigeants de l’Afghanistan ont rencontré les Etats-Unis et l’Union européenne au Qatar, et été reçus en Turquie. Au mois de septembre, ils avaient demandé à être entendus lors de l’Assemblée Générale des Nations Unies. Un intense ballet diplomatique qui témoigne de l’empressement des Talibans à exister sur la scène internationale, et être reconnus comme Etat légitime du pays dont ils se sont emparés le 15 août. Et pour cause : l’Afghanistan sombre petit à petit dans une crise économique aux conséquences humanitaires dramatiques. La reconnaissance sur le plan international devient un enjeu de taille puisque les dépenses publiques du pays étaient assurées aux trois-quarts par des fonds internationaux, bloqués depuis la mi-août. Les fonds de la banque afghane aux Etats-Unis sont gelés, comme les versements du FMI. Mais, la garantie qu’ils ont apportée de maintenir la sécurité face au terrorisme leur semble être un atout pour les rendre incontournables, cela sans même avoir à céder aux conditions brandies par les Occidentaux, notamment sur les droits humains, pour ouvrir à cette reconnaissance.
Le rapport de force est-il en faveur des Talibans ? Comment est-il possible de faire pression sur eux pour imposer des conditions en échange de la reconnaissance par la communauté internationale ? Russie, Chine, Pakistan, qui semble prêt à négocier avec les Talibans ?
Pour l’Iran et des pays comme le Tadjikistan et le Pakistan, l’avenir pourrait être dangereux et des problèmes pourraient venir d’Afghanistan. Alors que des côtés russe et chinois, on veut d’abord assurer une coopération au niveau régional pour gérer la stabilité et réussir à tisser des liens avec les Talibans, même si on n’a pas véritablement confiance en eux. Didier Chaudet
Aucun acteur ne parle de reconnaissance immédiate. Par ailleurs, ne pas reconnaître les Talibans représente un avantage pour les Pakistanais, car cela permet de maintenir leur position de supériorité sur le mouvement Taliban. Gilles Dorronsoro
Florian Delorme reçoit Gilles Dorronsoro, professeur de science politique à l'Université Paris I et membre sénior de l'Institut universitaire de France, spécialiste de l’Afghanistan et de la Turquie et Didier Chaudet, chercheur associé à l’IFEAC.
Seconde partie : le focus du jour
L'Ouzbékistan veut maintenir les liens commerciaux avec l'Afghanistan
Le mouvement islamiste ouzbek en Afghanistan (…), très puissant, balance entre Daech et les Talibans. Or, si la situation politique s’aggrave, il est tout à fait possible que ces mouvements glissent vers Daech (…) et c’est la raison pour laquelle l’Ouzbékistan est prêt à aider les Talibans. Karim Pakzad
Avec Karim Pakzad, chercheur à l’Iris.
Références sonores
- Amir Khan Muttaqi, le ministre taliban des affaires étrangères, (France 24 English, le 12 octobre 2021)
- Sergueï Lavrov, le chef de la diplomatie russe à Moscou lors d'une rencontre avec une délégation talibane (Le Figaro, le 20 octobre 2021)
- Hua Chunying, une porte-parole de la diplomatie chinoise (Le Figaro, le 16 août 2021)
- Le 8 octobre 2021, l’Etat islamique commet un attentat dans une mosquée chiite de la province de Kunduz (nord-est de l'Afghanistan) qui tue 60 personnes, lors de la prière du vendredi. On entend ici le témoignage d’un chiite (Euronews, le 9 octobre 2021)
- Témoignages d’habitants de Mazar-e-Sharif se réjouissant de l’arrivée du chemin de fer, permettant de faciliter les échanges (commerciaux notamment) entre l’Ouzbékistan et l’Afghanistan. La première ligne a été ouverte en janvier 2012 (Care c program, non daté)
Références musicales
- Colibria de Nicola Cruz
- Bad Girls, Sonita Alizadeh
L'équipe
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