Tunisie : l’UGTT, vigie de la démocratie : épisode 2/3 du podcast Syndicats de tous les pays...

Manifestation du 4 mars de l'UGTT à Tunis
Manifestation du 4 mars de l'UGTT à Tunis ©AFP - Fethi Belaid
Manifestation du 4 mars de l'UGTT à Tunis ©AFP - Fethi Belaid
Manifestation du 4 mars de l'UGTT à Tunis ©AFP - Fethi Belaid
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L'arrestation le 2 février 2023 d'Anis Kaabi, secrétaire général de la branche autoroutière de l'Union générale tunisienne du travail (UGTT) est révélatrice du bras de fer engagé par le président Kaïs Saïed contre ce contre-pouvoir en Tunisie.

Avec
  • Choukri Hmed Maître de conférences à l’université Paris-Dauphine et chercheur à l’Institut de Recherche Interdisciplinaire en Sciences Sociales (IRISSO) au CNRS
  • Hacène Merani Maître de conférences à l’université Badji Mokthar d’Annaba

Le 4 mars dernier, 3 000 manifestants défilaient dans les rues de Tunis à l’appel de l’Union générale tunisienne du travail, l’UGTT. La plus grande centrale du pays a mobilisé ses troupes pour protester notamment contre l’arrestation jugée arbitraire d’Anis Kaabi, syndicaliste du secteur des autoroutes, après celle d’opposants politiques, de journalistes ou d’hommes d’affaires.

Dans sa reprise en main du pouvoir, le président Kaïs Saïed semble s’attaquer avec méthode à tous les acteurs de la société civile. Il a désormais dans son viseur l’un des derniers contre-pouvoirs : les syndicats, au premier rang desquels figure l’UGTT. La centrale occupe en effet une place à part dans le monde des corps intermédiaires : forte de ses 800 000 membres et d’une histoire prestigieuse, la centrale a contribué à forger 60 ans de vie politique tunisienne. De l’indépendance à la Révolution de Jasmin, de son prix Nobel à son rôle central dans le dialogue national qui a sauvé le pays de la guerre civile, l’UGTT est à la fois un lieu de débat démocratique, de constitution d’une culture militante, mais aussi un mastodonte bureaucratique bien implanté dans le jeu institutionnel tunisien qui a longtemps entretenu une relation de proximité avec le pouvoir politique.

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Comment l’UGTT a-t-elle oscillé entre les fonctions de partenaire, de régulateur, voire de contre-pouvoir politique face à un parti unique pendant plus d’un demi-siècle ? Comment a-t-elle contribué à l’émergence d’un véritable pluralisme démocratique tunisien depuis 2011, et comment accueille-t-elle aujourd’hui le virage autoritariste pris par Kaïs Saïed ?

Pour répondre à ces questions, Julie Gacon reçoit Choukri Hmed, maître de conférences à l’université Paris-Dauphine, directeur-adjoint du Groupement d'intérêt scientifique "Moyen-Orient et mondes musulmans" en charge des études sur le Maghreb et chercheur à l’Institut de Recherche Interdisciplinaire en Sciences Sociales (IRISSO) au CNRS.

À l’UGTT, un courant reste particulièrement puissant : celui des nationalistes arabes. Deux éléments les caractérisent : leur faible croyance dans le système démocratique au nom de l'unité des peuples arabes et de l'anti-impérialisme et une haine viscérale pour les islamistes. En 2021, le bureau exécutif de l’UGTT a ainsi été un soutien puissant au coup d’État de Kaïs Saïed vu comme un rempart au parti islamiste Ennahda. Aujourd’hui, on observe simplement, sur fond de crise économique, le retournement traditionnel d’un dictateur contre ses anciens soutiens” analyse Choukri Hmed.

On me demande souvent quelles causes ont permis l’avènement et l’aboutissement de la révolution en Tunisie. L’un des ingrédients de cette exception dans le monde arabe, c'est un syndicat qui n’est pas complètement aux ordres” conclut le chercheur.

Pour aller plus loin :

Cultures Monde
58 min

Seconde partie : le focus du jour

Algérie : la fin d’un syndicalisme aux ordres ?

Les manifestations du Hirak ont poussé dehors Sidi Saïd, secrétaire général de l'UGTA entre 1997 et 2019, accusé d'être proche de Bouteflika, à Alger, le 17/04/19
Les manifestations du Hirak ont poussé dehors Sidi Saïd, secrétaire général de l'UGTA entre 1997 et 2019, accusé d'être proche de Bouteflika, à Alger, le 17/04/19
© AFP - Ryad Kramdi

Avec Hacène Merani, maître de conférences à l’université Badji Mokthar d’Annaba.

Alter ego de l’UGTT, l’UGTA a longtemps été le syndicat unique mandaté pour dialoguer avec un État-parti unique, au point que son ancien secrétaire général Sidi Saïd, très proche de Bouteflika, a dirigé la caisse des assurances sociales et a récemment été condamné pour corruption à ce titre. Mais aujourd’hui, l’UGTA appelle à la grève contre le projet de réforme réduisant les droits syndicaux adoptés par la chambre basse du Parlement le 7 mars dernier. Doit-on y voir la fin du dialogue social en Algérie ou bien la promesse d’un syndicalisme plus combatif et revendicatif ?

Selon Hacène Merani : “l’UGTA et les autres syndicats reconnaissent certains éléments positifs dans la réforme syndicale du gouvernement mais estiment que ceux-ci cachent de très nombreux dangers notamment des atteintes au droit de grève et à la liberté syndicale.

Pour aller plus loin :

Références sonores & musicales

Une émission préparée par Barthélémy Gaillard.

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