En mai dernier, le Maroc a abandonné son rôle de surveillance de sa frontière avec la ville espagnole de Ceuta. Cette crise montre le rôle des pays-tiers à qui l’Union Européenne sous-traite la surveillance de ses frontières. Quels en sont les enjeux, et les risques pour les 27 ?
- Jean-Pierre Cassarino professeur au Collège d'Europe (Natolin, Pologne), chercheur associé à l’IRMC de Tunis et ancien titulaire de la Chaire d'études sur les migrations à l'Institut d’Études Avancées (IMéRA), Université Aix-Marseille.
- Delphine Rouilleault directrice générale de France Terre d’Asile
- Claire Rodier juriste, directrice du GISTI (Groupe d’information et de soutien des immigrés), co-fondatrice du réseau euro-africain Migreurop.
Entre le 16 et le 18 mai dernier, le Maroc a abandonné son rôle de surveillance de sa frontière avec la ville de Ceuta, enclave espagnole du littoral africain. En deux jours le résultat est sans appel : plus de 8000 personnes ont traversé la frontière, souvent à la nage, pour être finalement arrêtées par les autorités espagnoles.
Derrière cet événement se cachent des tensions entre le Maroc et l’Espagne mais révèle plus globalement le rôle donné par l’Union Européenne aux pays-tiers dans la surveillance de ses frontières et même dans sa politique migratoire. Cela reflète l’incapacité des Etats-membres à s’accorder sur une politique d’accueil commune.
Le « Pacte Migration et Asile » présenté en septembre dernier par la Présidente de la Commission Ursula Von der Layen divise encore l’Europe, entre le groupe de Visegrad, mené par la Hongrie, opposé à l’entrée des migrants sur son sol et tenant d’une politique de refoulement bien plus répressive et les pays en première ligne de l’accueil, notamment l’Italie et la Grèce, qui en appellent à plus de solidarité entre les pays européens. Le Pacte ambitionne de mettre en place un mécanisme de “solidarité obligatoire”, tout en sollicitant les Etats les plus réfractaires à l’accueil des migrants.
Est-il possible d’assembler en une politique migratoire commune les intérêts divergents des Etats européens ? Seront-ils condamnés à poursuivre cette logique de la délégation et de la sous-traitance ? Quels sont les avantages et quelles sont les menaces de cette politique ?
Conversation avec Claire Rodier, juriste, directrice du GISTI (Groupe d’information et de soutien des immigrés), co-fondatrice du réseau euro-africain Migreurop et Jean-Pierre Cassarino, professeur au Collège d'Europe (Natolin, Pologne), chercheur associé à l’IRMC de Tunis et ancien titulaire de la Chaire d'études sur les migrations à l'Institut d’Études Avancées (IMéRA), Université Aix-Marseille.
Le « Pacte Migration et Asile » prend en compte la gestion des frontières communes de l’Union Européenne, la question du droit d’asile, de la coopération avec les pays tiers et la dimension du retour, c'est-à-dire des expulsions des étrangers en situation irrégulière. C’est une usine à gaz ingérable avec des centaines de pages dont l’essentiel ne va pas fonctionner, comme depuis que le règlement de Dublin est en vigueur. Il est très difficile même avec des murs, des barrières et même des fusils d’empêcher des gens de se déplacer dès qu’ils et elles en ont besoin. De plus, les États ne s’entendent pas entre eux, et ne peuvent pas suivre le programme de la Commission européenne. Il n’y a que le volet sous-traitance et la dimension externe de la politique migratoire pour mettre d’accord tout le monde, autrement dit, arriver à ce que de moins en moins de réfugiés arrivent en Europe. Claire Rodier
Le problème est ailleurs que dans la politique des quotas. Pour régler le problème, il faut apprendre des leçons du passé. En premier lieu, il faut renforcer une véritable politique commune en matière d’immigration. Cela demande un leadership politique ; l’Union Européenne se comporte comme si elle était une fédération, or de fait il n’y a pas de fédération européenne. La seule manière pour aller au-delà des divisions serait d’établir des règles communes qui n'invitent pas les États membres à jouer des coudes à droite ou à gauche. Jean-Pierre Cassarino
Seconde partie - Le focus du jour
France Terre d’Asile face au règlement de Dublin
Le règlement de Dublin, système mis en place suite aux afflux migratoires de 2015 et 2016, a augmenté l’incohérence des parcours migratoires, en forçant les réfugiés à rester dans le pays d’arrivée. Faisant désormais de leur parcours une errance de 18 mois, il complique aussi le travail des associations qui les soutiennent dans leurs démarches, comme le fait France Terre d’Asile depuis 50 ans, avec un financement de l’Etat.
Entretien avec Delphine Rouilleault, directrice générale de France Terre d’Asile.
Le principe de la prise en charge des demandeurs d’asile par leur pays d’entrée dans l’Union Européenne est lié à la crise de solidarité que l’on constate en Europe. A partir du moment où les pays de l’arc méditerranéen seraient en responsabilité de plus de 80% des demandeurs d’asile, on se retrouve dans un système qui crée de la tension entre les pays. Nous appelons à la fin de ce pays de première entrée et à la mise en place d’un mécanisme de solidarité et de répartition de la demande d’asile entre tous les pays européens. Delphine Rouilleault
Retrouvez la tribune de France Terre d'Asile dans Le Monde ici.
Une émission préparée par Bertille Bourdon.
Références sonores
- Allocution de Pedro Sanchez, président du gouvernement d’Espagne, concernant l'enclave de Ceuta ( TRVE Noticias, 18 mai 2021)
- Témoignage d'Ouarda, migrante qui va tenter la traversée, mère de 2 enfants ( France 24, 18 mai 2021)
- Allocution de Nasser Bourita, ministre marocain des affaires étrangères, concernant l'enclave de Ceuta ( LCI, mai 2021)
- La présidente de la Commission européenne, Ursula Von der Leyen propose un nouveau « Pacte Migration et asile » en septembre 2020 ( Commission européenne, 23 septembre 2020)
- Victor Orban, REAX pacte ( Euronews, 25 septembre 2020)
- Donald Tusk, Président du Conseil européen, au sujet de l'accord Turquie-Europe sur l’immigration + Ahmet Davutoglu , Premier ministre turque, toujours concernant l'accord Turquie Europe, un accord pour des principes et pas un marchandage ( France 24, 18 mars 2016)
Références musicales
- « Invisible de NTO » Paul Kalkbrenner remix (label Chapau under exclusive licence to AllPoints)
- « Clandestino » Master Sina ft. Balti (label inconnu)
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