

Chaque 12 avril la Russie célèbre la « Fête de la Cosmonautique » en mémoire du premier vol habité de l'histoire qui fit du pilote Youri Gagarine le premier être humain à découvrir l'espace. Mais que reste-t-il aujourd'hui de l'industrie spatiale russe ?
- Julien Duez journaliste à Society
- Isabelle Sourbès-Verger géographe, directrice de recherches CNRS Centre Alexandre Koyré, spécialiste des questions de géopolitique de l'espace et des politiques spatiales.
- Florian Vidal Chercheur au Centre Russie/NEI à l’Ifri et à l’université de Tromsö, spécialiste de l’écologie politique et des dynamiques régionales en Arctique
C’était il y a soixante ans exactement, le pilote soviétique Youri Gagarine effectuait le tout premier vol en orbite autour de la Terre. 108 minutes à bord de son vaisseau Vostok lancé depuis Baïkonour, la base de lancement historique de la Russie située dans l’actuel Kazakhstan. Les archives du 12 avril 1961 nous laissent entendre la voix confiante de Gagarine peu après le décollage, enjouée malgré les risques pris à l’époque. Le monde retiendra aussi ce visage poupon et ce franc sourire d’un homme devenu une icône non seulement en Union soviétique mais dans le monde entier. Un homme disparu prématurément à l’âge de 34 ans, sept ans seulement après son exploit.
Incarnation du héros populaire et des ambitions spatiales de l’URSS, Youri Gagarine sera célébré aujourd’hui, comme chaque année, dans son pays natal. Pourtant la nostalgie semble avoir remplacé les sentiments de triomphe et de fierté depuis quelques années déjà. Car ce n’est pas un secret, l’industrie spatiale en Russie est en perte de vitesse.
Si Vladimir Poutine, en accédant au pouvoir en 2000, prétendait redonner ses lettres de noblesse au secteur, les réformes lancées, notamment en 2015 avec la rationalisation de l’agence Roskosmos, ont bien du mal à se mettre en place. Et le lancement, en mai dernier, de la première fusée de l’entreprise américaine SpaceX pourrait bien marquer la fin du monopole russe sur les départs dans l’Espace.
Soixante ans après, comment la société qui parvint à envoyer le premier homme en orbite voit-elle son avenir dans la compétition spatiale ? Si le souvenir de Youri Gagarine continue de marquer les esprits, où sont ses héritiers aujourd’hui en Russie ? Quels atouts la Russie conserve-t-elle et comment tirer profit de son glorieux passé pour s’affirmer comme puissance d’aujourd’hui ?
Actuellement, les jeunes diplômés russes préfèrent travailler dans les secteurs du numérique, du digital ou du pétrolier, qui sont financièrement plus rémunérateurs, que d’aller travailler dans l'industrie spatiale, largement publique. Florian Vidal
Vladimir Poutine a sauvé l’industrie spatiale. Après 1991, le gouvernement Eltsine ignorent le spatial. Or, c’est un secteur qui emploie beaucoup de personnes et qui gère des villes fermées en Sibérie. Le spatial c’était une entité globale, il possédait les crèches, le kolkhoze, les moyens de transport, etc. Quand Poutine arrive en 2000, des subventions sont redonnées dans le spatial et le secteur se restructure. Isabelle Sourbès-Verger
Seconde partie - le focus du jour
Sigmund Jähn, symbole d’une fracture allemande
Rencontre avec un autre héros de l'histoire socialiste, Allemand cette-fois. Le 26 août 1978, Sigmund Jähn, s’envole pour l’espace. Si son nom n’a pas marqué l’Europe de l’Ouest - RFA comprise - il a longtemps été un symbole pour la RDA. Il meurt en 2019, mais depuis quelques mois, son nom est associé à une controverse très locale, à Halle-sur-Saale, une ville de l’est de l’Allemagne. Le planétarium de la ville, construit en 1978, portait le nom de Sigmund Jähn, en l’honneur du cosmonaute. Il a été démoli il y a quelques années, et un nouveau planétarium va ouvrir ses portes dans quelques mois. Une polémique éclate alors entre les élus de la ville : faut-il conserver son ancien nom, celui de Sigmund Jähn, ou en préférer un autre, qui ne soit pas rattaché au régime de la RDA ? Une question révélatrice des tensions encore présentes trente ans après la chute du mur.
Entretien avec Julien Duez, journaliste à Society. Il s’est rendu à Halle le jour où le Conseil municipal a voté l’attribution du nom du nouveau planétarium.
Son reportage est à retrouver dans le n°152 de Society.
Sigmünd Jähn est venu rappeler qu’il existe toujours une distinction entre l’Est et l’Ouest. A sa mort en 2019, la couverture médiatique de son décès a énormément varié. Cela pouvait aller d’une Une pour des quotidiens régionaux à l’Est à quelques lignes dans les journaux à l’Ouest. Le planétarium a donc questionné le fait de mettre en avant une personnalité qui a défendu un régime considéré aujourd’hui comme dictatorial. Julien Duez
Une émission préparée par Bertille Bourdon.
Références sonores
- Extraits d’archive du lancement de Soyouz du 12 avril 1961 et annonce de Radio Moscou. (Extrait d’ « Affaires sensibles » diffusés sur France Inter le 11 novembre 2015)
- Extrait du discours de Vladimir Poutine inaugurant le cosmodrome de Vostochny en avril 2016 (RT, 13 avril 2016)
- En août 1978, Erich Honecker recevait en grande pompe le premier cosmonaute d’Allemagne de l’Est à être allé dans l’espace, Sigmund Jähne. Extrait du discours du secrétaire général du Parti socialiste unifié d’Allemagne (DDR Fernsehen, 26 août 1978)
Références musicales
- « People on Sunday » de Domenique Dumont (Label : Leaf)
- « Yuri Gagarine » groupe de pop bulgare non identifié trouvé sur Youtube (1979)
L'équipe
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