Aux frontières de la folie (2/4) - De Moscou à Pékin : l’internement forcé

France Culture
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Avec
  • Emmanuel Lincot spécialiste de la diplomatie culturelle de la Chine et la question du ‘soft power’ du régime, professeur à l'Institut Catholique de Paris, chercheur associé à l’IRIS
  • Micheline Mehanna
  • Cécile Vaissié Professeure d'études russes et soviétiques, Université Rennes-II

Selon certains chiffres, entre 1967 et 1987, 2 millions de personnes auraient été internées de force en hôpital psychiatrique en ex-URSS. Même si on peut remettre en doute la véracité de ces chiffres, on ne peut pas nier la réalité du phénomène.

Vladimir Boukovski , ancien dissident soviétique qui a passé plus de 10 ans enfermé pour motif psychiatrique, fut le premier à décrire et dénoncer le phénomène d’enfermement psychiatrique en ex-URSS. Avec son compagnon de cellule, Semvon Glouzman (psychiatre ukrainien et dissident), ils co-écrivirent un Manuel de psychiatrie pour les dissidents , pour aider les dissidents à lutter contre les mauvais traitements infligés dans les hôpitaux psychiatriques soviétiques.

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Les temps de l’enfermement forcé se sont-ils envolés au moment où s’effondrait le bloc soviétique ? Peut être pas totalement.

Bien sûr, en 1988, les articles 70 et 190 du code pénal soviétique qui permettaient ces internements pour délit d’opinion furent supprimés. Mais les responsables qui ont rendu ce système possible, eux, sont encore en vie pour certains (c’est le cas notamment de certains psychiatres du centre Serbsky, ce haut lieu de la « psychiatrie judicaire » soviétique).

Pis, certains ont affirmé que l’arrivée au pouvoir de Vladimir Poutine a coïncidé avec la résurgence d’une certaine psychiatrie utilisée à des fins politiques. C’est ce qu’écrivait Anna Politovskaia (la journaliste indépendante assassinée en octobre 2006) dans son livre – *La Russie selon Poutine * -, dans lequel elle pointait du doigt le rôle décisif des experts psychiatriques dans certaines affaires judicaires.

Puis nous irons vers la Chine où, si l’internement psychiatrique fut longtemps utilisé pour museler les opposants, une loi – promulguée il y a qq jours - vient tout juste de l’interdire. Que peut-on en attendre ? Sera-t-elle appliquée ? Ce pas vers la « démocratisation » du pays constitue-t-il un danger pour le régime ?

Avec** Micheline Mehanna** , psychologue clinicienne, psychanalyste, auteur d'un dossier "Les abus politiques de la psychiatrie en Union soviétique", in Revue Européenne de psychologie et de droit , mars 2012,** Cecile Vaissié, ** professeur en études russes et soviétiques à l’Université Rennes 2, auteur de Les Ingénieurs des âmes en chef. Littérature et politique en URSS ( Belin, 2008) et Emmanuel Lincot , directeur de la chaire des Etudes Chinoises contemporaine à l'Institut Catholique de Paris, directeur de la revue Monde Chinois.