Charbon, vers la fin d'un âge d'or ? : épisode 3/1 du podcast Energies: le grand mix

Mineurs dans la province du Shanxi, en Chine
Mineurs dans la province du Shanxi, en Chine ©Reuters - Stringer
Mineurs dans la province du Shanxi, en Chine ©Reuters - Stringer
Mineurs dans la province du Shanxi, en Chine ©Reuters - Stringer
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Après la multiplication des fermetures de mines de charbon dans le monde, notamment aux Etats-Unis, et l'annonce par la Chine d'un moratoire de trois ans sur l'ouverture de nouvelles mines, se dirige-t-on vers un abandon de la production et la consommation de cette énergie ?

Avec
  • Jean-Marie Martin-Amouroux Economiste, ancien directeur de recherche au CNRS. Secrétaire du projet de l'Encyclopédie de l'énergie.
  • Rajiv Agrawal Secrétaire de l’ICPPA, Association des Producteurs d’Energie Captive en Inde.
  • Valdelièvre Michel Ingénieur chimiste

Bien qu’étant un horrible émetteur de CO2, le charbon est pourtant classé au deuxième rang des énergies les plus consommées au monde et même au premier rang s’agissant de la production d’électricité.

Depuis de nombreuses décennies maintenant, nous observons en Europe le déclin du charbon, les sites de production fermant les uns après les autres. Et depuis des années maintenant, la Chine a pris le relais de l’Europe, devenant le premier pays producteur de charbon. Alors qu’on répétait à l’envie que, au grand dam des écologistes, les Chinois voyaient dans le charbon son avenir énergétique, il semble pourtant que les choses soient en train de changer. La Chine, aussi, connaît une crise du charbon : le ralentissement de son économie a provoqué une baisse de sa production et de sa consommation. En septembre dernier, le premier exploitant minier du pays – Longmay Group – annonçait la suppression de 100.000 emplois et les autorités chinoises ont annoncé un moratoire de 3 ans sur l’ouverture des nouvelles mines de charbon. Bref, l’avenir du charbon ne semble plus aussi radieux sous les cieux de l’Empire du Milieu. Comment le comprendre ? S’agit-il d’une crise durable ou passagère ? Le charbon peut-il totalement disparaître de son mix énergétique ?

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Au-delà du cas chinois, nous allons nous intéresser au marché mondial du charbon : quels sont les grands pôles de production et de consommation ? Comment se sont-ils déplacés ces dernières années ? Sous l’influence de quels impératifs ? Des Etats-Unis à l’Asie, en passant par l’Europe : quel avenir pour les gueules noires et les centrales au charbon ? Les pays pauvres pourront-ils se passer de charbon pour construire leur développement ?

Du côté du vieux continent, la pression anti-charbon est forte : le robinet à subvention se tarit, mais certains pôles résistent en Europe centrale. Comment le comprendre ?

L’Inde occupe également une position à part, puisqu’elle a semé le trouble à la COP21 en annonçant non seulement ne pas vouloir limiter sa production de charbon, mais au contraire la doubler d’ici à 2020.

L'âge d'or du charbon est-il derrière nous, en Europe, mais aussi en Chine ? 

Il ne faut pas en déduire la fin du charbon. Il ne faut pas oublier que la Chine continue à développer son parc de centrales thermo-électriques charbon, et qu'elle conserve une sidérurgie vigoureuse. Dans ce pays, la consommation de charbon ne croîtra plus comme elle a cru dans le passé, mais elle va, au minimum, atteindre un pallier qui stabilisera la consommation autour de 4 milliards de tonnes pendant un certain nombre de décennies. Jean-Marie Amouroux

Si on regarde  les chiffres d'un peu plus près, le monde n'a jamais autant extrait de charbon qu'aujourd'hui. Sauf que cette hausse de la consommation mondiale est désormais en net ralentissement depuis trois ans. Elle a augmenté en 2014 de 0,4 % contre 3% en 2013 et 5,4% en 2011.

La consommation de charbon a cru au taux annuel moyen de 2,5 % depuis la fin des années 1970. Après les chocs pétroliers, beaucoup de pays ont choisi le charbon, et certains pays ne possèdent pas d'autres sources d'énergie. Cette croissance est supérieure à toutes les autres consommations d'autres sources d'énergies fossiles. Jean-Marie Amouroux

Cette crise chinoise du charbon est-elle structurelle ou conjoncturelle ? 

Il y a des causes conjoncturelles, qui tiennent au très fort ralentissement de la croissance économique chinoise. La croissance économique chinoise a tourné le dos aux industries consommatrice, comme la sidérurgie, la cimenterie, au profit d'industries moins consommatrices. La Chine tente aussi de limiter la consommation de charbon dans les zones urbaines. Jean-Marie Amouroux

La baisse a commencé à la fin des années 2011, et s'est accélérée à partir des années 2013. La Chine étant moins consommatrice, les producteurs de charbon se sont retrouvés avec des capacités de charbon en excès. Les prix ont donc beaucoup baissé. Sur le marché international, ces prix peuvent encore glisser un peu, en dessous de 50 dollars la tonne, on aurait beaucoup de peine à approvisionner ce marché. Jean-Marin Amouroux. 

L'Indonésie est un nouvel acteur sur le marché du charbon, tout comme la Thaïlande et le Vietnam. 

Lorsqu'on regarde les décennies à venir, on peut dire que le charbon va continuer son retrait dans les pays européens, qu'il va aussi se tasser en Amérique du nord. Il va certainement diminuer en Chine, mais va continuer à croître de façon vigoureuse dans l'Asie du sud-est. D'abord l'Inde qui s'approche du milliard de tonnes, puis tout le reste de l'Asie du sud-est, du Pakistan ou Vietnam. Le gros producteur est l'Indonésie, qui, en 1980, ne produisait rien, et qui aujourd'hui, a dépassé les 300 millions de tonnes. Jean-Marie Amouroux

Le charbon est-il une bénédiction pour l'Inde ? Elle a annoncé vouloir doublé sa production d'ici 2020. Le pays a un appétit énergétique énorme, et veut continuer à produire cet "or noir". Mais l'Inde aura-t-elle les capacités de doubler sa production ? Pourra-t-elle jouer le rôle de la Chine ? 

Dans 40 ans, les énergies renouvelables prendront en Inde, comme ailleurs, une place importante. Mais pour le moment, l'Inde ne peut se passer de sa forte croissance en charbon. Elle doit faire face à une croissance dans la demande d'électricité, une grande partie de la population n'a pas encore d'électricité. Et les énergies renouvelables ne suffiront pas pour approvisionner ces population en électricité. Pour des raisons politiques, l'Inde ne parvient faire à importer du gaz. A moyen terme, il n'y a pas de solution alternative au charbon. Jean-Marie Amouroux

Jean-Marie Martin-AmourouxEconomiste, ancien directeur de recherche au CNRS. Secrétaire du projet de l'Encyclopédie de l'énergie.

Une émission préparée par Xavier Martinet.