"La raison des corps " de Raphaële Andrault

France Culture
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Ce livre de Raphaële Andrault part du legs du mécanisme cartésien pour aboutir aux lectures du vitaliste Canguilhem, mais de l’un à l’autre, si la différence est grande, l’enjeu reste le même : comprendre comment fonctionne le corps.

Dans le roman de Maylis de Kerangal, Réparer les vivants, et adapté récemment au cinéma par Katell Quillévéré, on suit 24 heures, ou presque 24 heures, de la vie d’un cœur : passé de Simon 19 ans, en état de mort cérébral après un accident de voiture, à Claire, 51 ans, atteinte d’une nécrose au cœur, et en attente d’une greffe. C’est donc à la fois la vie d’un cœur que l’on suit, mais aussi ce cœur qui est la vie même, son instrument, son organe. Entre le cœur et la vie, c’est comme s’il y avait ainsi une sorte d’identité, et Descartes dans son Discours de la méthode, commencera d’ailleurs par le mouvement des artères, « le premier et le plus général » selon lui, pour penser chacune des parties du corps. Mais, entre faire du cœur l’organe de la vie ou la première des parties du corps, il y a bien une nuance, et même une grande différence qui a marqué la philosophie mais aussi l’histoire des sciences médicales. Entre faire du cœur le tout vitaliste, et le décomposer, façon mécaniste, en une des parties, même la plus importante, de notre anatomie, quelle est donc la bonne manière de donner raison au corps ?

« La raison des corps », c’est justement le titre de l’essai de Raphaële Andrault qui part du legs du mécanisme cartésien pour aboutir aux lectures du vitaliste Canguilhem, mais de l’un à l’autre, si la différence est grande, l’enjeu reste le même : comprendre comment fonctionne le corps. Hormis Descartes et Canguilhem, il y a ainsi Sténon qui, en 1667, découvre la fabrique des muscles et démonte pièce à pièce tous les ressorts du corps humain en les déconnectant d’une finalité, à l’inverse de Leibniz et de ses « machines de la nature » qui participent au Tout harmonieux. Avec donc toujours ces mêmes questions : à quoi tient le souffle de la vie ? Est-il visible à l’œil nu ? À la dissection, dans les organes ? ou échappe-t-il toujours à nos prises ?

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