Ce texte, Le fou à la cangue, révèle exactement ce rapport privilégié que Motoori Norinaga a noué avec les récits mythiques tout au long de sa vie, mais il révèle aussi toute l’originalité et la fougue qu’il a mises à les interpréter.
- Motoori Norinaga
C’est Le fou à la cangue, un livre écrit par Motoori Norinaga, et tout juste paru aux éditions Kimé. Motoori Norinaga, il faut le présenter, a vécu de 1730 à 1801 au Japon : c’est à Kyoto où il part étudier la médecine qu’il découvre la philologie et se passionne pour les textes anciens, au point d’abandonner peu à peu la médecine et de nous avoir laissé des œuvres qui se composent quand même de 23 volumes.
Ce texte, Le fou à la cangue, révèle exactement ce rapport privilégié que Motoori Norinaga a noué avec les récits mythiques tout au long de sa vie, mais il révèle aussi toute l’originalité et la fougue qu’il a mises à les interpréter. « Le fou à la cangue » n’est ainsi pas qu’un titre, c’est aussi la manière dont il nomme un contemporain japonais : Tô Teikan, et dont il rejette profondément, violemment même la lecture des mythes, et celle notamment qu’il expose dans ses Paroles importunes.
Pour Motoori Norinaga, Tô Teikan est bien un fou à lier, à qui il faut faire subir le châtiment de la cangue donc, ce qu’il écrit n’est bon, je cite, qu’à « faire rire », « hurler de rire » même : parce qu’il ne lit pas les textes pour eux-mêmes, mais en leur appliquant sa logique, sa raison, ses principes puisés ailleurs, dans les écrits de Chine en l’occurrence, Tô Teikan dégage un sens des mythes qu’ils ne contiennent pas. Et ça, Motoori Norinaga ne lui pardonne pas : reprenant phrase par phrase ces Paroles importunes de Tô Teikan, il s’attèle à les démonter une par une pour révéler, je cite, « le subterfuge qui consiste à sous-tendre les choses, sans dire ce qui devrait être dit, de façon à ce que l’on comprenne ce qui conforte son propre point de vue »…
Mais plus que cela, ce qui se révèle, ce sont bien ces questions : comment lire les textes ? Est-on sûr de ne jamais leur faire dire ce que nous pensons déjà ? Motoori Norinaga ne pardonne pas ces lectures orientées qui font primer la raison, où la confiance dans d’autres écrits est aveuglée, mais de quel point de vue lit-il quant à lui les textes ? Et comment, nous, appréhender ses écrits à lui ? Comment, aussi, lire des mythes qui ont leur propre sens, sans faire appel à nos connaissances, à nos repères ? Le vertige et le soupçon semblent partout quand on lit… au moins Motoori Norinaga nous aura mis en garde là-dessus.
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