"Les ruines du futur", ou une manière de dire par l’oxymore la dystopie de l’informatique, ses bonheurs et ses ruines.
En 1971, France Inter avait lancé cette opération spéciale à l’occasion du 58ème Salon de l’automobile : la radio donnait à entendre des tests de voiture par ses propres auditeurs. Et entre la voiture et la radio, le point de contact est beaucoup plus frappant qu’on le pense : pas seulement parce qu’on écoute de manière privilégiée la radio en conduisant, mais parce que toutes les deux sont des moyens privilégiés de communication. Toutes les deux, à cet égard, ont intéressé le philosophe et sociologue Yves Stourdzé.
Pour ceux qui ne le connaissent pas : Yves Stourdzé, disparu il y a 30 ans, est un des grands penseurs de l’innovation, des nouvelles technologies, de la communication et des organisations. Parmi ses textes que l’on trouve aux éditions Sens et Tonka, il y a cet essai qui porte ce très beau titre : Les ruines du futur, ou une manière de dire par l’oxymore la dystopie de l’informatique, ses bonheurs et ses ruines.
« Les ruines du futur » ou la manière aussi de caractériser ce type de critiques, auxquelles nous sommes désormais plus habitués : car, si en 1979, alors qu’il écrit cet essai, Yves Stourdzé a déjà repéré le centre mortifère de ces organisations technologiques ; en 2016, aujourd’hui, on en est encore à formuler ce que l’on y perd, à trouver le mot exact, à dire les abîmes que produisent les discordances de nos nouveaux moyens de communication.
Et c’est peut-être cela ce qui frappe le plus dans ce texte d’Yves Tzourdé, sa clairvoyance dès 1979 certes, mais surtout cette manière de le dire : avec lui, la voiture est ce « petit véhicule de la mort implosive », avec lui, le monde industrieux renoue avec la porosité charnelle, ou encore, les réseaux se dérégulent, à la manière de syphons voraces. Il y a une poésie des ruines sous sa plume, une beauté même du futur défiguré.