

C'est un très bel ouvrage : un ouvrage volumineux, et pour cause, il s'agit d'un dictionnaire, le dictionnaire des Théoriciens de l'art, qui compte plus de 700 pages et rassemble presque 250 notices.
De A comme Adorno jusqu'à Z comme Zola, en passant par Bourdieu, Goethe, Henry James, les frères Perrault, ou encore Wittgenstein. Mais c’est un ouvrage tout autant passionnant, tant la question de l'art a connu des évolutions, au gré des époques, des inventions et des artistes... sous la forme de ruptures, bien sûr, mais aussi de continuités invisibles.
Et c'est d'ailleurs bien là le défi, le double défi même, que relève ce dictionnaire : rendre visibles toutes les médiations dans l'histoire qui font que l'idée d'art perdure malgré ses ruptures, qu'elle n'est jamais annihilée, mais rendre aussi visibles toutes ces médiations, si continues qu'elles ont été incorporées, qu'elles sont devenues inconscientes et qui font que, face à une œuvre d'art, nous ne sommes en fait jamais dépourvus d'une idée de ce qu'est l'art, d'une idée de ce qu'est par exemple la littérature, et de ce qu'est, si on va plus loin, un roman, un poème ou une nouvelle.
Mais comment rendre visible cette idée de l'art si présente mais tant transformée ? Comment lier la théorie du hasard en musique de John Cage à celle du mystère musical développé par Debussy ? Ou celle d'Alberti au XVème siècle sur la perspective à celle Heidegger, dont vous parlez cette semaine, qui faisait quant à lui de la question de l'art un pendant de la question sur l'être ? Comment donc rendre visible, lier, nommer l'art et ses théories, ce qui est l'enjeu d'un dictionnaire et de celui-ci en particulier, quand, comme Tolstoï le disait si bien à propos de la beauté : « cette étrange notion paraît si simple à tous ceux qui en parlent sans y penser, mais que personne pourtant n'arrive à définir depuis 150 ans » ?
C'est qu'à la lecture de ces notices, l'art non seulement ne se réduit jamais à une seule définition, mais se démultiplie en une diversité de supports, de techniques, de périodes et d'artistes, et n’a de sens que dans cette métamorphose. Et c'est d'abord ici cette mosaïque qui nous transporte sans que l'on y pense jamais, qui est enfin couchée et représentée sur le papier.
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