Marquage manquant & autres dires de la peau, entretien de Jean-Luc Nancy avec Nicolas Dutent

France Culture
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C'est un petit livre qu'on a envie tout de suite envie de toucher, d'ouvrir. Et pour cause, il est recouvert d'une sorte de papier calque recyclé, comme protégé par un voile que l'on a envie d'ôter, ou comme enveloppé par une peau translucide, il s'agit d'un livre composé de « dires de la peau ».

Plus précisément, il s'agit d'un dialogue sur le corps, la peau et le toucher, avec le philosophe Jean-Luc Nancy à qui l'on doit déjà un certain nombre de textes sur le sujet. Alors, comme il le dit lui-même : que dire de plus qui n'a pas déjà été dit sur le sujet ?

Platon, Descartes, Spinoza, Kant, le christianisme, Nietzsche, Freud... chacun a déjà pu dire quelque chose sur le corps... et Jean-Luc Nancy de rappeler cette histoire, ce corpus du corps. Tout comme il rappelle les déclinaisons du corps : sentant, aimant, blessé, malade, pénétré, greffé, chantant, tatoué, sensible et physique, et puis finalement vivant. Que dire ou qu'écrire alors encore sur le corps ? Sur ce revenant, certes longtemps méconnu ou maltraité ?

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Eh bien, rien justement : car, comme le dit Jean-Luc Nancy, on n'écrit pas sur le corps, on ne le marque pas, on ne le tatoue pas. Le corps se marque lui-même, il signifie par lui-même, il fait sens : ce sont les rides au coin des yeux, les traces laissées par le soleil, les cicatrices qui résistent...

Et là est le paradoxe du corps : il touche, mais on ne le touche pas, on ne peut pas le toucher, ou seulement du doigt, mais la matière reste impénétrable. Car peut-on dire ce qu'est le corps en regardant à l'intérieur, en le découpant, tel le médecin ? Peut-on traverser la peau par l'esprit, comme le tentent les philosophes ? Pourra-t-on dire qui est ce corps ?

Ces pages sont donc bien comme la peau : elles exposent le corps, elles l'exPEAUsent, comme l'écrit Jean-Luc Nancy, mais elles se caressent seulement, tout comme le corps se caresse seulement, il se donne du dehors, mais ne dévoile jamais rien de son « dedans », de ce dedans qui n'est sûrement rien.

Entretien avec Nicolas Dutent, qui travaille sur cette même radio, pour La Grande Table, et publié aux impeccables éditions les Venterniers