

Grèves, blocages, bras-de-fer syndical… Le conflit social reste-t-il l'horizon indépassable de la contestation ? Une émission avec le sociologue Alain Touraine, spécialiste des mouvements sociaux et de l'action sociale.
- Alain Touraine Sociologue, spécialiste des mouvements sociaux et de l'action sociale
Le sociologue Alain Touraine, spécialiste des mouvements sociaux et de l'action sociale, est une voix unique dans le débat public et tout logiquement ce soir l'unique invité de "Dimanche et après ?".
Beaucoup a été dit sur cette loi travail qui sème la zizanie, cette réforme de la discorde dont les Français ne veulent pas, passée en 49-3, approuvée par la CFDT, désapprouvée par la CGT et FO, dictée dit-on par un patronat qui aujourd’hui ne s’y retrouve même plus. Beaucoup a été écrit aussi sur ce conflit social amorcé la nuit debout avant d’occuper les rangs de l’hémicycle puis la rue. Les sociologues y voient une contestation "révélatrice des fractures françaises". Les experts en communication, la grande bataille de l’opinion. Les politologues, le dernier soubresaut "d’une majorité qui n’existe plus que sur le papier" (Pascal Perrineau) ou au contraire le dernier acte d’autorité d’un Président en quête de légitimité d’ici 2017. Les philosophes analysent nos Colères, pour reprendre le titre du dernier numéro de la revue Esprit. Ou déplorent ce mal français, notre incapacité à réformer. Les économistes militants, les puissances de l’indignation. Les économistes pragmatiques, l’impact de la crise sur une croissance fragile.
Quelle lecture faire de la situation ? Quelle grille d’analyse convient-il de poser sur ce conflit social et politique ? Peut-on s’offrir le luxe de la redite, de la répétition de l’histoire ?
Lui n’y croit pas : A 90 printemps, sociaux ou pas, Alain Touraine juge caduques les catégories d’analyse d’hier et appelle à chausser de nouvelles lunettes pour observer ce qui est en train de se passer. En 1996, il cherchait à traduire "Le Grand refus" (Fayard) exprimé par la grève de décembre 95. En 2010, "Après la crise" (Seuil), il appelait déjà à changer de modèle de lecture pour une perspective à long terme. En 2013, il actait "La Fin des Sociétés" (Seuil), pour mieux creuser le sillon d’une nouvelle pensée sociale axée sur le "Nous, Sujets Humains", titre de son dernier ouvrage paru l’an passé.
Quitte à reconsidérer sans cesse ses propres engagements, jusqu’au plus partisan. Compagnon de route du Parti socialiste, en 2008, il dialogue avec Ségolène Royal dans "Si la gauche veut des idées" (Grasset). En 2012, il signe un savant "Carnet de campagne" (R.Laffont) et juge dans une tribune parue dans Le Monde l’élection de François Hollande "logique" et "souhaitable".
Extraits de l'émission
Ce qui me fait pleurer, devant cette situation que nous vivons, c'est que j'ai l'impression d'assister en France à la fin de ce qu'on a appelé le mouvement ouvrier. Quand j'ai vu la première version du projet de loi, j'ai eu l'impression que tout ce qui a été fait et gagné pendant 50 ans à été perdu. On parle d'inverser les normes, tout ceci a l'air de détails techniques mais c'est pas des détails techniques. Vous avez en ce moment un pays qui sort avec beaucoup de difficultés de ce qu'on a appelé le monde industriel. Il ne sait pas très bien dans quel autre monde on va entrer mais on sait ce qu'on a gagné à l'epoque industrielle et soudain on nous le fout en l'air et c'est tout à fait inacceptable.
Il s'agit de beaucoup plus que d'un modèle social, il s'agit de 100 ans de notre histoire. De 100 ans dont il faut sortir pour entrer dans un monde nouveau mais dont il faut sortir si on assure nos arrières, pas si on retourne à des situations insupportables. Or la première version de ce texte était insupportable pour des millions de gens. Je ne dis pas que c'était l'intention du gouvernement .Je dis que quand on parle du code du travail on ne parle pas du code de la route, c'est d'une toute autre importance, c'est des siècles de grèves, de luttes.. Donner aux gens le sentiment qu'on va effacer tout ça pour être compétitif par rapport à tel ou tel pays c'est insultant.
Aujourd’hui, déçu peut-être mais pas désespéré, Alain Touraine poursuit sa quête d’esprit public dans un ouvrage à paraître à la rentrée : "Le Nouveau Siècle politique".
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