Malgré la signature des accords de Stockholm en décembre dernier, les négociations de paix entre le gouvernement yéménite et les rebelles houthis semblent être au point mort alors que la situation humanitaire du pays ne cesse de s'aggraver.
- Michaël Neuman Directeur d’études au Centre de réflexion sur l’action et les savoirs humanitaires (CRASH) de la Fondation MSF
- François Frison-Roche Chercheur au CNRS (CERSA - Université Paris 2), spécialiste des transitions démocratiques, de l'Europe post-communiste et du Yémen
Parmi tous les mots que Toni Morrison savait manier, il y avait ceux de la guerre.
Dans Home, Franck, soldat afro-américain est hanté par tous les morts laissés derrière lui pendant la guerre de Corée. « Sans jamais lever la tête, juste en regardant à travers l’herbe, on les a vus tirer un corps d’une brouette et le balancer dans une fosse qui attendait déjà. Un pied dépassait du bord et tremblait, comme s’il pouvait sortir, comme si, en faisant un petit effort, il pouvait surgir de la terre qui se déversait ».
Les mots de la guerre sont universels : « ils ont fait pire que des combats de chien. Ils ont transformé les hommes en chiens ». Aujourd’hui, au Yémen, on ne sait pas bien qui sont « ils ». De la coalition menée par l’Arabie saoudite pour rétablir dans ses fonctions le président Hadi et dont on sait qu’elle utilise des armes vendues par la France et les États-Unis... ou des rebelles Houthis chiites, originaires du nord du pays et qui bloquent l’accès des humanitaires à la population civile. Comme d’habitude ce sont eux, les civils, les enfants, qui sont les boucs émissaires d’une guerre qui ne les concerne pas. Et dans les rues d’Aden et de Sanaa divaguent les chiens errants, les vrais, les enragés.
En juillet, un acteur plus discret du conflit a dit vouloir se retirer pour partie : les Émirats arabes unis, qui disent vouloir favoriser une « logique de paix ». L’ONU s’en est aussitôt félicitée... Mais que vaut cette annonce émiratie quand par ailleurs, l’Arabie saoudite et l’Iran, les vrais acteurs du conflit, ne semblent pas décidés à s’entendre ?
D’une certaine façon, grâce aux images du Printemps arabe provenant de Tunisie et d’Égypte et diffusées par Al Jazeera, la population yéménite a pu suivre ce qu'il se passait dans les autres pays arabes. Ils ont voulu, pour certains, qu’il y ait un changement similaire au Yémen. D’autres ont vu un moyen, en épousant ce mouvement, de se débarrasser du président Saleh. François Frison-Roche
Les Émiratis sont présents dans le sud du Yémen depuis plus de 4 ans. Ils y ont formé des milices qui leur obéissent. Leur logique est la suivante : « Nous avons des gens sur place, nous pouvons donc nous retirer ». De plus, ils doivent faire face aux tensions internationales présentes dans la zone du détroit d’Ormuz. Comment peuvent-ils être engagés à la fois dans un conflit face à leur voisin yéménite et dans un autre sur la scène internationale ? François Frison-Roche
Les deux camps sont responsables des problèmes d’acheminement de l’aide humanitaire. Mais aujourd’hui, l’Arabie saoudite est également l’un des plus grands financeurs de l’aide humanitaire au Yémen, bien que celle-ci nourrisse également les rebelles houthis. Le Yémen se trouve dans une logique économique de guerre qui n’est pas surprenante. Le conflit semble se prolonger car il bénéficie en réalité à plusieurs acteurs engagés dans le conflit. Michaël Neuman
Il est difficile d’accéder à l’intégralité du territoire, et donc de savoir exactement ce qu’il se passe dans l’ensemble du pays. Mais nos observations actuelles ne nous permettent pas de vérifier la thèse de la famine. Les indicateurs ne sont pas aussi terrifiants qu’ils paraissent. En revanche, nous observons de réels problèmes d’accès aux soins. Michaël Neuman
L'équipe
- Production
- Collaboration
- Collaboration
- Collaboration
- Réalisation
- Collaboration
- Production déléguée