

La reine Elizabeth II a-t-elle le pouvoir de rassembler le Royaume-Uni du Brexit ? Dans une monarchie où la reine ne peut pas donner son opinion politique, deux journalistes et une historienne analysent la nature réelle son pouvoir.
- Catherine Marshall professeure d’histoire et de civilisation britannique à l’Université Cergy Paris, directeur du laboratoire Agora.
- Isabelle Rivère Journaliste et auteur
- Eric Albert Correspondant du Monde à Londres
Il n’y a pas eu de grande fête, hier à Londres. A Windsor, non plus. L’ambiance actuelle ne s’y prête guère, c’est une évidence… Le Royaume-Uni traverse l’une des périodes les plus mouvementées de son histoire récente. Le Brexit et ses conséquences ont largement fait oublier l’anniversaire de la reine.
Elizabeth II a eu 93 ans, hier. Un fait a priori anecdotique, mais qui nous rappelle, entre autres, sa longévité au pouvoir : 67 ans. 67 ans d’un règne souvent agité, 67 années passées à incarner et à maintenir l’unité du Royaume-Uni – dans des circonstances souvent difficiles, parfois tragiques.
Cette unité est aujourd’hui menacée par le Brexit : l’Irlande du Nord connaît un regain de tensions – une journaliste y a été tuée en fin de semaine dernière. L’Ecosse veut un nouveau référendum sur son indépendance. Et les partis politiques se déchirent. Affrontements externes, délitements internes… Les députés n’arrivent pas à faire respecter la volonté du peuple. Bref, le pays est plongé dans une crise politique et institutionnelle grave – jamais vue depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Et pourtant, la reine reste silencieuse.
C’est l’une règles autant qu’une des limites de la monarchie britannique : la souveraine ne peut donner son opinion sur un sujet politique – au sens plein du terme – quand bien même l’unité du pays serait en jeu. Une parole contrainte – aujourd’hui, mais aussi il y a 3 ans, pendant la campagne du référendum sur le Brexit. D’où cette question, soulevée aussi il y a quelques jours par le Guardian, la reine est-elle responsable du Brexit ?
Vidéos :
Catherine Marshall :
Fondamentalement, la reine a pour mission, et elle le sait, de venir apporter un sentiment d’unité, de stabilité. Elle doit être capable de se transformer sans que personne ne s’en rende compte : après les années 1990 il y a eu des moments très difficiles, mais la monarchie s’est s’adaptée en devenant une forme de monarchie-service public (…) Elle maintient le lien avec son peuple.
Isabelle Rivère :
Son véritable pouvoir à mon avis s’exerce par le biais de (…) cet entretien hebdomadaire qu’elle a avec son Premier ministre qu’elle reçoit tous les mardis ou mercredi soir au Palais de Buckingham (…) Elle ne fait pas pression sur ses Premiers ministres, ce n’est pas du tout de cette manière qu’elle fonctionne, mais au cours de la conversation, elle distille son opinion sous forme de questions. Les Premiers ministres comprennent d’instinct la direction dans laquelle elle souhaite les amener. C’est comme cela que son influence s’exerce, et à mon avis c’est un réel pouvoir.
Articles :
"La reine pro-Brexit ? Le «Sun» fâche Elizabeth II", Libération, le 10/03/2016
[abonnés] "Elizabeth II met les pieds dans le plat du Brexit", Le Monde, le 29/09/2019
"La reine Elizabeth II en première ligne dans la bataille du Brexit", Le Point, le 03/04/2019
[anglais] " Who is really responsible for Brexit? The Queen", par Suzanne Moore, The Guardian, le 16/04/2019.
L'équipe
- Production
- Production
- Collaboration
- Production déléguée
- Collaboration
- Réalisation
- Collaboration