L'esprit munichois aujourd'hui

France Culture
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Avec
  • Antoine Vitkine Journaliste, écrivain et réalisateur de documentaires
  • Thérèse Delpech écrivain, directrice des Affaires stratégiques au Commissariat à l'énergie atomique (CEA)
  • Vincent Geisser Sociologue et politologue, chercheur au CNRS et à l’Institut de recherches et d’études sur les mondes arabes et musulmans (IREMAM)
  • Raphaël Liogier sociologue et philosophe, professeur des universités à Science Po Aix en Provence et enseignant à Paris au Collège international de philosophie.

Dans la mémoire collective de chaque peuple, figure un stock limité de souvenirs, associés à des noms de grands personnages, noms de lieux ou dates fondatrices que Pierre Nora a baptisés « lieux de mémoire ». Ces noms propres permettent d'organiser le chaos du présent, de penser le nouveau à la lumière des leçons du passé. Comme on sait, les mêmes noms propres peuvent avoir des sens différents, selon les pays, puisque les jours glorieux des uns ont souvent été payés de l'humiliation des autres - les Britanniques viennent ainsi de célébrer Trafalgar - pour nous, la mère de toutes les défaites. Au top-ten de ces évènements-repères, figure, pour nous, Français, Munich. La synecdoque est passée en adjectif : on parle depuis le 29 septembre 1938 « d'esprit munichois ». Dans un roman historique qui vient de paraître, Georges-Marc Benamou raconte cette journée fatidique en se glissant dans les souvenirs de son pathétique acteur français, Edouard Daladier. L'esprit munichois, depuis lors, est devenu synonyme de lâche dérobade devant une menace étrangère, d'abandon et de trahison des alliés au nom de la sauvegarde à tout prix de la paix, de myopie politique consistant à concéder à l'adversaire de nouveaux avantages qui lui permettront, demain de nous frapper encore plus fort. C'est encore Munich qui sert de paradigme au récit de politique-fiction que nous livre Antoine Vitkine, avec son roman « la tentation de la défaite », qui raconte la prise du pouvoir par l'islamisme révolutionnaire en Afghanistan, Arabie Saoudite, Egypte, etc. à travers les yeux d'un diplomate français imaginaire. Or l'actualité nous présente un évènement qui par bien des côtés évoque l'affaire munichoise. L'Iran vient d'annoncer qu'il avait franchi une nouvelle étape sur la voie de l'arme nucléaire, en passant à la phase industrielle de l'enrichissement de l'uranium. Thérèse Delpech vient de publier, sous le titre « le grand perturbateur, réflexions sur la question iranienne » un essai en forme d'avertissement. L'actualité, c'est aussi le retour du terrorisme au Maghreb : l'Algérie vient de subir un attentat odieux, qui rappelle la violence déchaînée pendant la guerre civile. Comment pouvons-nous aborder ces problèmes sans nous laisser aveugler par l'ombre portée de Munich ? Sans nous laisser submerger par la compulsion de répétition, par la mélancolie de ressassement, qui sont aussi mauvaise conseillères que la dérobade ? Telles sont quelques unes des questions dont nous vous proposons de débattre aujourd'hui.

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