La traite arabo-musulmane, une histoire méconnue

Bateau d'esclaves en Mer Rouge, gravure de 1874
Bateau d'esclaves en Mer Rouge, gravure de 1874 ©Getty -  duncan1890
Bateau d'esclaves en Mer Rouge, gravure de 1874 ©Getty - duncan1890
Bateau d'esclaves en Mer Rouge, gravure de 1874 ©Getty - duncan1890
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Que l'islam ait été esclavagiste, autant que l'Occident - et même un peu plus longtemps - est une vérité historique qui a fait longtemps l'objet d'une étrange pudeur en Europe et d'un véritable déni dans le monde arabo-musulman.

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"L'esclavage en terre d'islam reste un sujet à la fois obscur et hypersensible, dont la seule mention est souvent ressentie comme le signe d'intentions hostiles" écrivait le grand islamologue américain Bernard Lewis. Ce qui est compréhensible. Aucune civilisation n'aime se voir rappeler les aspects les moins reluisants de son histoire. La culture du repentir, qui s'est emparée de l'Europe en son grand âge, n'est pas universellement répandue. 

Mais comment expliquer que les islamologues français, en particulier, aient été "enclins à trouver à l'islam des excuses qu'il ne méritait pas", comme l'écrit Malek Chebel, dans son nouveau livre, L'esclavage en terre d'Islam ? S'agissait-il seulement comme l'écrit encore l'anthropologue, "d'une façon comme une autre de préserver leur outil de travail" ? Et de citer Jacques Berque et Vincent Monteil, mais aussi Louis Massignon. 

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Il faut dire que toute une atmosphère de légende dorée, basée sur le souvenir des belles courtisanes des Mille et Une Nuits, est venue brouiller les contours d'une réalité un peu moins vaporeuse. Dans la mesure où l'islam interdit en théorie de mettre en esclavage un autre musulman, et que l'économie de la plupart des pays où il s'est implanté a nécessité un très grand nombre d'esclaves, la grande majorité des Africains déportés à travers le Sahara ou la mer Rouge, étaient destinés aux mines, aux travaux d'irrigation et aux plantations - et non aux harems de notre littérature romantique. Mais ce qui est frappant dans le monde musulman, c'est la grande porosité qui existait entre le statut d'esclave et le celui des hommes libres : on voit ainsi des esclaves devenir juges et imams et prononcer des fatwas, on en voit d'autres former la garde prétorienne de potentats politiques - c'est le cas des fameux mameluks, dont le nom signifie possédés et qui finirent par s'emparer du pouvoir en Egypte et en Syrie au XIIIe siècle. C'est d'un esclave, le fameux Bilal Al-Habachi, que Mohamed fit le premier muezzin. Et certains esclaves de Delhi finirent même sultans. 

Reste la question souvent posée : l'islam est-il réellement imperméable au racisme, comme il s'en est souvent vanté ? Pourquoi les millions d'esclaves noirs importés dans les pays musulmans n'y ont-ils pas fait souche - à la différence des descendants d'esclaves en Amérique du Nord et aux Antilles ? Cette déportation serait-elle comparable à un génocide, à une véritable "extinction ethnique par castration", comme l'écrit l'anthropologue Tidiane N'Diaye ?