Les musées d'aujourd'hui sont-ils des lieux de conservation ou de production d'évènements culturels ?

France Culture
Publicité
Avec
  • Jean-Michel Tobelem Professeur associé à l'Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, directeur d'Option Culture (organisme d'études et de conseil)
  • Dominique Poulot Professeur des universités, enseigne l'histoire de l’art à l’Université Paris 1- Panthéon Sorbonne
  • Vincent Pomarède Directeur du Département des peintures du Musée du Louvre de 2003 à 2014
  • Roland Recht Professeur au Collège de France
  • Marie-Laure Bernadac conservatrice générale du patrimoine, chargée de l’art contemporain au Musée du Louvre de 2003 à 2013.

Nous-aussi nous sommes au Louvre, comme de nombreuses autres émissions de la chaîne, en direct et en public de la Cour Marly, à l'occasion de l'ouverture de l'exposition de l'artiste belge Jan Fabre qui a investi les salles consacrées aux peintures du Nord - dont on sait à quel point elle nourrissent son imaginaire. Nous avons laissé à nos collègues le soin de la critique savante de cette « dramaturgie mentale » proposée par l'artiste pour nous interroger sur le sens de cette carte blanche : voilà un grand musée, le Louvre, dont la vocation est la conservation des collections publiques françaises jusqu' la date charnière de 1848 qui créé l'événement avec l'invitation d'un artiste contemporain, une invitation qui va drainer un public, plutôt habitué (pour assouvir sa curiosité) à se rendre au Centre Georges Pompidou ou au Palais de Tokyo, voire dans les centres d'art contemporain en pointe comme on les trouve en région. Ce mélange des genres est parfaitement assumé par le Louvre qui s'est d'ailleurs doté d'un conservateur général, chargé de mission pour l'art contemporain, en la personne de Marie-Laure Bernadac, qui est du reste notre invitée aujourd'hui. Mais ce choix de l'éclectisme est quand même assez récent voire surprenant pour une institution comme le Louvre. C'est en 2004 qu'a eu lieu une première exposition intitulée « Contrepoint » dont l'objectif était de faire dialoguer l'art du passé avec la création contemporaine. Cette politique audacieuse nous renvoie à l'évolution en cours : comme plusieurs observateurs l'ont noté, nous sommes entrés dans un nouvel âge des musées, le Louvre comme Orsay ne se pensent plus au niveau national mais jouent leur partie à l'échelle planétaire. Ils deviennent chaque année de plus en plus puissants, de plus en plus autonomes, toujours avides de grandes expositions qui vont faire fructifier leur capital symbolique - quitte (et c'est l'une des questions que nous devrons soulever) à s'affranchir d'une politique nationale et centralisée qui veillait jusqu'à présent à la cohérence d'ensemble. Dans ces conditions, on peut interpréter l'invitation de Jan Fabre comme un signe supplémentaire de cette nécessité de créer l'événement, d'apparaître à la pointe, de focaliser les regards de France et d'ailleurs . Tout cela nous ramène à une seule question : qu'attend-on exactement d'un musée au 21ème siècle ? Selon l'humeur, on verra dans ces nouvelles manières de faire des « coups médiatiques » ou juste de bonnes surprises.

L'équipe