Macron a-t-il dompté les intellectuels ?

Dans la salle des fêtes de l'Élysée, Emmanuel Macron a dialogué durant 8 heures avec ses interlocuteurs et interlocutrices issus d'une vaste représentation du monde du savoir et des idées, le 18 mars 2019
Dans la salle des fêtes de l'Élysée, Emmanuel Macron a dialogué durant 8 heures avec ses interlocuteurs et interlocutrices issus d'une vaste représentation du monde du savoir et des idées, le 18 mars 2019  ©AFP - Michel Euler
Dans la salle des fêtes de l'Élysée, Emmanuel Macron a dialogué durant 8 heures avec ses interlocuteurs et interlocutrices issus d'une vaste représentation du monde du savoir et des idées, le 18 mars 2019 ©AFP - Michel Euler
Dans la salle des fêtes de l'Élysée, Emmanuel Macron a dialogué durant 8 heures avec ses interlocuteurs et interlocutrices issus d'une vaste représentation du monde du savoir et des idées, le 18 mars 2019 ©AFP - Michel Euler
Publicité

L’épopée présidentielle du Grand débat est désormais achevée. Pour son ultime épreuve, Emmanuel Macron a tenu un dialogue de 8 heures avec une soixantaine d’intellectuels. Inédite, cette rencontre suffira-t-elle à redonner une place aux intellectuels et au débat d’idées dans le monde politique ?

Avec
  • François Dosse historien, spécialiste de l’histoire intellectuelle, professeur à l’Université Paris-Est Créteil et Sciences Po, chercheur à l’IHTP (Institut d’histoire du temps présent)
  • Perrine Simon-Nahum Docteure en histoire, directrice de recherches au CNRS et professeure attachée au département de philosophie de l’Ecole normale supérieure
  • Agathe Cagé Politiste, co-fondatrice et présidente du cabinet de conseil Compass label, ancienne conseillère de Vincent Peillon et de Benoît Hamon, et ancienne directrice adjointe de cabinet de Najat Vallaud-Belkacem, au ministère de l’Education nationale.
  • Sylvain Bourmeau Journaliste, professeur associé à l'Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales et directeur du journal AOC et producteur de l'émission "La Suite dans les idées" sur France Culture

Comme le rappelait le Figaro hier, Emmanuel Macron a pu avoir la dent dure avec un milieu qu’il connait bien par ailleurs, pour l’avoir côtoyé avant d’entrer en politique : celui des intellectuels.

A propos des stars de la discipline, voici ce qu’il en disait pendant la campagne présidentielle, selon les propos recueillis par le romancier Philippe Besson : ‘’ils sont dans les vieux schémas. Ils regardent avec les yeux d’hier… Pour une large part d’entre eux, ça fait longtemps qu’ils n’ont pas produit quelque chose de renversant…Ils n’aiment pas l’action politique mais vivent de son commentaire. Ils sont devenus des éditorialistes’’ 

Publicité

Soit parce qu’ils ne sont pas rancuniers, soit parce qu’ils ne sentaient pas visés, 64 intellectuels ont accepté hier de venir discuter avec le Président de la République à l’Elysée. Une soirée que vous avez pu suivre en direct sur notre antenne hier soir.

8 heures de débats, au cours desquels il a été question de fiscalité, de laïcité, de bioéthique, de l’Algérie, et plus largement de politique.

Exercice forcément frustrant, étant donné la pluralité des sujets et le nombre des intervenants. Mais exercice captivant, ne serait-ce que du fait de sa rareté. Voir le chef de l’Etat être interpellé directement par des intellectuels, voilà qui n’est pas si fréquent sous cette République.

« Macron a-t-il dompté les intellectuels ? »

Vidéos :

Sylvain Bourmeau :

Au cours de ce débat avec les intellectuels, Emmanuel Macron a été dans un rôle qui m’a fait penser à la façon dont Nicolas Sarkozy habitait la présidence de la République. Nicolas Sarkozy avait pour habitude d’agir et de parler comme un chef de PME. C'est un joueur de SimCity, quelqu’un qui joue à gouverner la France comme un jeu vidéo. Ce lexique était frappant. On avait d’un côté des économistes qui essayaient de décrire une situation de façon précise et subtile, et en face une autre manière de parler. Cela créait un contraste très fort qui faisait du Président un homme d’action.

Agathe Cagé :

Il faut sortir de l’endogamie française. On forme actuellement d’un côté des personnes qui vont aller dans l’entreprise privée, d’un autre côté celles qui sont destinées à la recherche et d’un troisième côté celles qui sont destinées au service public. Ces mondes ne se croisent pas : la fonction publique n’apprend pas à conduire et à comprendre un travail de recherche, pas plus que le monde de l’entreprise, et le monde de la recherche parfois a du mal à accepter la complexité de la construction d’une politique publique.

François Dosse :

Ça n’est pas une opération de communication parce que ça s’intègre dans le Grand débat. Le Président a dialogué avec tout le monde, pourquoi ne pas dialoguer avec les intellectuels ? C'est une catégorie qui s’est fait connaître par son silence. Il y a désormais une prise en compte des enjeux sociétaux par les intellectuels.

Perrine Simon-Nahum :

Ce qui allait au-delà d’une rencontre entre un petit aréopage d’intellectuels et le Président de la République, c’était ce message qu’il avait voulu faire passer : il n’y a pas de progrès qui ne soit complexe. Je crois qu’il a essayé de marquer à chaque fois les limites du politique. Quels que soient les sujets, une problématique commune s’est dégagée et qui engage les intellectuels et les politiques. Elle concerne les rapports entre l’individu et le collectif, les problèmes de représentations, les inégalités et l’importance des mots.

Articles :

"Qui sont les intellectuel(le)s qui vont échanger avec Emmanuel Macron ce lundi ?", France Culture, le 18/03/2019

" Les réponses d'Emmanuel Macron à 64 intellectuel(le)s pour 'faire France' ", France Culture, le 19/03/2019

[abonnés] "Huit heures durant, ces intellectuels ont bombardé Emmanuel Macron d’analyses, de questions et de propositions", Le Monde, le 19/03/2019

Le Billet politique
3 min

L'équipe