Peut-on faire la révolution sans leader ?

Lors de la 25ème édition du concours de tours humaines à Tarragone le 35 octobre 2014.
Lors de la 25ème édition du concours de tours humaines à Tarragone le 35 octobre 2014. ©AFP - Joseph Lago
Lors de la 25ème édition du concours de tours humaines à Tarragone le 35 octobre 2014. ©AFP - Joseph Lago
Lors de la 25ème édition du concours de tours humaines à Tarragone le 35 octobre 2014. ©AFP - Joseph Lago
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Qu’ont en commun le mouvement des Gilets jaunes et les manifestations algériennes ? La volonté de ne pas faire émerger de leader et d’agir collectivement de manière horizontale. Mais peut-on ainsi renverser un régime ? Faut-il à un moment être incarné pour pouvoir agir ?

Avec
  • Vincent Martigny Maître de conférences en science politique à l’Ecole Polytechnique et chercheur associé au CEVIPOF, membre du comité de rédaction de la revue trimestrielle Zadig et du 1 hebdo.
  • Mathilde Larrère Enseignante-chercheuse à l'université Paris-Est Marne-la-Vallée, spécialiste de l’histoire des révolutions du XIXe siècle et de la citoyenneté

Pas une tête qui dépasse. Pas de chef, pas de leader. De plus en plus souvent, les mouvements sociaux et politiques émergents affichent une horizontalité maximale, rejetant toute tentative de récupération individuelle au profit d’une représentation strictement collective.

C’est le cas aujourd’hui de la contestation populaire en Algérie. C’est aussi ce que revendiquent depuis le début les Gilets jaunes, sans toujours y parvenir.

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Car les médias, comme la nature, ont horreur du vide. Vide d’incarnation en l’occurrence : sans personnage récurrent, la médiatisation –indispensable- devient aléatoire. Le souci de l’anonymat ne résiste jamais très longtemps devant le besoin de leaders.

Car c’est bien d’un besoin dont il s’agit ici. Même s’il a toutes les apparences du paradoxe. Comme le relève un de nos invités du soir, "alors que notre époque se caractérise par un désir d’horizontalité politique sans précédent, nous demeurons englués dans l’incarnation".

Est-ce à dire qu’il s’agit d’un phénomène inéluctable ?

"Peut-on faire la révolution sans leader ?"

Vidéos :

Mathilde Larrère :

La Révolution est d’abord un processus, avec ses journées insurrectionnelles pendant lesquelles, sur le terrain, des leaders peuvent se dégager (…) Lors de la prise de la Bastille, il y a eu ponctuellement des leaders. Ceux qui sont montés, qui ont franchi les porte les premiers, ceux qui ont dit qu’il fallait aller chercher les canons à tel endroit… Dans l’évènement, il y a des phénomènes de protagonistes qui font que des gens se détachent. Mais lorsque la Révolution est sortie de sa phase insurrectionnelle et qu’elle s’est installée en état révolutionnaire, elle a permis à des leaders d'émerger. Mais en général, ce sont des moments de dérévolution.

Vincent Martigny :

La France est un modèle incroyablement excessif d’incarnation. On vit dans un pays qui est obsédé par l’idée qu’on ne peut pas faire autrement. C’est lié à son histoire évidemment (…) Ce qui m’intéresse, c’est de savoir de quelle manière le modèle français donne une place complètement disproportionnée à cette question.

Articles :

[abonnés] "En Algérie, un mouvement populaire en quête de leader face à Bouteflika", Le JDD, le 18/03/2018

"Gilets jaunes : l'inéluctable retour à l'anonymat des leaders du mouvement", Le Figaro, le 26/02/2019

Opinions :

"Toute révolution naît de l'inadaptation du pouvoir",  Gaël Nofri, historien, pour Le Parisien, le 09/12/2018

"La révolution n’a pas besoin de leader", Mathilde Larrère, historienne, pour La Croix, le 27/03/2018

"Des formes collectives d’incarnation", Vincent Martigny, politiste, pour La Croix, le 27/03/2018

Emission en partenariat avec La Croix, co-présentée par François Ernenwein.

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