Il y a 30 ans, les manifestants de Tiananmen dénonçaient la corruption et réclamaient plus de démocratie, faisant face à une répression sanglante. A l’ère de Xi Jinping, quel héritage garde la société chinoise de ce moment de soulèvement historique ? Quelle place reste-t-il à l’opposition en Chine ?
- Chloé Froissart Professeure d’histoire et de sciences politiques au département d’études chinoises de l’Inalco
- Emilie Frenkiel Maîtresse de conférences en science politique à l’Université Paris Est Créteil. Chercheuse et directrice adjointe au (LIPHA). Co-rédactrice en chef de La Vie des Idées.
- Laure Guilmer Journaliste indépendante
Un homme seul face à un char. Le char pivote pour tenter de le contourner. L’homme se déplace sur le côté pour l’en empêcher. A l’époque, les réseaux sociaux n’existent pas mais la scène va devenir virale : ce sera l’image des événements de Tiananmen.
Dans la nuit du 3 au 4 juin 1989, l’armée intervient pour mettre fin au mouvement entamé à la mi-avril. Sept semaines de manifestations à Pékin, pour réclamer, après les réformes économiques, des réformes démocratiques. La répression est sanglante : plusieurs centaines de mort, le bilan exact n’a jamais pu être établi. Le sera-t-il un jour ?
En Chine, ce 30e anniversaire est passé sous silence. Le pouvoir y veille ; la société, elle, est passée à autre chose. Dans un éditorial publié ce jour, le quotidien chinois de langue anglaise Global Times, considéré comme proche du pouvoir, évoque néanmoins ce qui s’est passé 30 ans plus tôt : ‘’un incident’’, qui a eu pour effet d’augmenter « grandement l’immunité de la Chine contre tout trouble politique ».
Est-ce à dire que toute forme d’opposition a disparu dans le pays ? Et si tel n’est pas le cas, sous quelles formes se manifeste-t-elle désormais ?
« Que reste-t-il de Tiananmen ? »
Vidéos :
Laure Guilmer :
On ne parle pas [des évènements de Tiananmen], c’est une amnésie collective. Il ne faut pas que ça sorte de la sphère privée. De toute façon même s’il y a quelque chose sur les réseaux sociaux, ça risque d’être effacé en quelques heures. Il n’y a pas de commémoration : cet évènement n’existe pas. Il n’est pas étudié par les jeunes à l’école ou n’en ont pas tous entendu parler par leurs parents parce qu’ils ont peur biais de leurs parents.
Emilie Frenkiel :
Depuis 2013, on en revient à des répressions, à une sorte de censure directe et d’autocensure qui rappellent les années qui ont suivi 1989. Entre ces deux périodes, il y a eu une sorte de désespoir, comme si [les chinois] avaient renoncé à la révolution et au radicalisme ; il fallait être plus pragmatique, plus prudent, et avancer dans les réformes graduelles. Mais on attendait une amélioration, on avait l’impression que si on était suffisamment patients, même sur le plan des libertés et sur le plan politique, il y avait quand même des améliorations à attendre. Depuis Xi Jinping, ce maigre espoir trend à disparaître.
Chloé Froissart :
Beaucoup de personnes ont été emprisonnées, mais surtout des anonymes. Ce n’est pas qu’un mouvement étudiant et intellectuel, ce sont aussi des citoyens lambda qui ont participé et qui ont payé le plus fort.
Articles :
[abonnés] "Trente ans après Tiananmen, la bataille de la mémoire fait rage", Le Monde, le 01/06/2019
"Il doit y avoir des références à Xi Jinping dans chaque chapitre", Libération, le 04/12/2018
"30 ans après, la tech a remplacé les tanks à Tiananmen", France 24, le 30/05/2019
Opinions :
"Les nouveaux intellectuels chinois ne sont pas dans la confrontation avec le pouvoir", Sébastian Veg pour Le Monde, le 02/06/2019
[abonnés] "Il faut préparer le futur pour éviter de nouveaux Tiananmen", Wang Dan, leader étudiant de la place Tienanmen, L'Obs, le 03/06/2019
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