

Cette semaine, au menu d'En français dans le texte, analyse d'un extrait de "L'Île des esclaves" de Marivaux et pour la grande dictée de Rachid Santaki, un extrait des "Mémoires" de Louise Michel. En conclusion, une anagramme d'Etienne Klein, le malicieux physicien.
- Etienne Klein Physicien, producteur de l'émission "Le pourquoi du comment ?" sur France Culture
Chaque samedi, à 17h, écoutez les plus belles pages de la littérature française pour faire revivre les grands textes de notre patrimoine littéraire, philosophique ou historique, dans la voix de grands comédiens. Nous les analysons ensuite, de manière experte, avec le concours du ministère de l’éducation nationale. Aujourd’hui : L’Île des esclaves de Pierre Carlet de Chamblain de Marivaux, plus connu sous le simple nom de Marivaux.
"L'Île des esclaves" de Marivaux - Étude des scènes IX, X et XI
« Aucune pièce de Marivaux n’a plus de ”philosophie”, aucune n’a plus de ”théâtralité” ; tout y est sens et tout y est jeu ». Voila ce qu’on peut lire dans la notice signée Henri Coulet et Michel Gilot de la célèbre Pléiade à propos de L’Île des esclaves, cette petite comédie en un seul et unique acte et en prose de Marivaux.
Quelle philosophie ?
La Rochefoucauld dirait : une « haute sagesse, fondée sur la méditation de la vie, et donnant une grande force d'âme dans les vicissitudes » (Œuvres, 1655, Maxime 22).
C’est vrai. Mais pour transmettre cette sagesse sans avoir l’air de faire la leçon, Marivaux recourt à la théâtralité propre aux comédiens-italiens pour lesquels il écrit. L’auteur exploite les nouveaux traits que Thomassin a donné à son Arlequin : non plus lourdaud et sans vergogne, comme ses prédécesseurs du XVIIe siècle, mais petit, « silhouette hésitante, un peu benêt, un peu émerveillé, il fait plaisir à voir ». Dans la petite comédie en un acte, ce « petit homme » (Marivaux) devient le véritable acteur/maître de l’action quand Trivelin se contente d’en poser le cadre et les règles.
L'intrigue
L’intrigue de la pièce repose sur un jeu de rôles qui lui-même exacerbe la théâtralité, le travestissement. Rappelons la situation. L’île des esclaves où s’est échoué un navire laisse sur sa grève deux couples formés l’un d’Arlequin et de son maître Iphicrate, l’autre de la soubrette Cléanthis et de sa maîtresse Euphrosine. L’île devient l’espace d’un renversement des conditions de maîtres et valets. Trivelin, organisateur d’une l’épreuve qui doit corriger les maîtres en les « rend[ant] sensibles aux maux qu’on […] éprouve en esclavage » ordonne l’échange des noms et des habits. Non sans ironie, Marivaux utilise ce stratagème pour mettre en lumière les rôles dans lesquels chacun s’enferme, qui conditionnent nos existences.
L'intention
Pour autant, en ce début du XVIIIe siècle, Marivaux ne se sert pas du théâtre comme d’une tribune politique. Le théâtre est alors une boîte où agit le charme de la fiction. L’identification forcée des maîtres aux domestiques et des domestiques aux maîtres conduit chacun à éprouver, pour les uns, la honte d’entendre le portrait peu flatteur qui est fait de soi par ses domestiques et l’humiliation d’être le sujet de leurs projets de mésalliances, et, pour les autres, le ressentiment de s’être vu maltraité par sa maîtresse pendant longtemps, ou, au contraire, la joie malicieuse de se moquer de son maître.
À force de jouer avec la fibre sensible de ses personnages, le « cours d’humanité » dispensé par Marivaux sur l’île finit par porter ses fruits. Lorsqu’Arlequin déclare sa flamme à une Euphrosine qui n’en peut plus, l’ancienne maîtresse répond au valet par une tirade pathétique où, pour la première fois, elle en appelle à sa « compassion ». Le bouffon italien se retrouve tout démuni, ce que Marivaux souligne par une didascalie et une réplique : « abattu et les bras abaissés, comme immobile [il ne peut que dire] : j’ai perdu la parole ».
En trois scènes, Marivaux construit par palier un dénouement vertueux. Le pathétique et le comique s’enchevêtrent, s’imbriquent, de manière singulière pour attendrir les spectateurs tout en préservant le plaisir d’un bon spectacle.
Analyse réalisée par Lucille Perello, professeure de Lettres et de théâtre.
>>> Lien vers la page Eduscol, site du Ministère de l'Education, des Sports et de la Recherche. Vous pourrez y trouver les analyses littéraire et grammaticale.
"L'Île des esclaves" avec les comédiens de la Comédie française, dans une mise en scène de Simon Eine en 1973. Avec : Jacques Destoop (Iphicrate), Dominique Rozan (Trivelin), Yves Pignot (Arlequin), Tania Torrens (Euphrosine) et Catherine Hiegel (Cléanthis).
Extraits (audio - à l'antenne) de L’Île des esclaves, Scènes IX, X et XI de cette pièce en un seul et unique acte, mise en scène par Simon Eine, à la Comédie Française, en 1973, avec Jacques Destoop (Iphicrate), Dominique Rozan (Trivelin), Yves Pignot (Arlequin), Tania Torrens (Euphrosine) et Catherine Hiegel (Cléanthis).
1er extrait - Scène IX
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Second extrait - scène X et XI
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Extraits (vidéo) de L'Île des esclaves sur une mise en scène d'Irina Brook à l'Atelier Théâtre, avec Lubna Azabal, Alex Descas, Stephanie Lagarde, Sidney Wernicke and Fabio Zenoni.
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Captation (vidéo) complète de la pièce mise en scène par Gerold Schumann pour le Théâtre de la Vallée (Ecouen), avec Anne-Sophie Bailly, Vincent Bernard, Marc-Henri Boisse, Claire Cahen et Denis Ardant.
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Extrait musical
"Jitterbug waltz" par Michel Legrand et Miles Davis.
Il avait dirigé, à New York, les géants du jazz américain, dont Miles Davis, John Coltrane ou encore Bill Evans. Ces enregistrements sont rassemblés dans un album sorti en 1959. Deux ans après la mort de Michel Legrand, un coffret en 10 volumes est sorti, fin 2020, sous le nom de Le monde instrumental de Michel Legrand Jazz et musiques de film 1953 à 1962.
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L'anagramme d'Etienne Klein
La conversation scientifique
Au début, quand on me demandait ce qu’est la Conversation scientifique, je répondais : « une conversation scientifique advient, bien sûr, dès qu’un ou une scientifique parle avec un autre ou une autre scientifique. Mais aussi et surtout lorsque, en vertu d’une certaine politesse de l’esprit, il s’entretient avec un philosophe, un artiste, un historien, un géographe, un marcheur, un alpiniste, un écrivain, plus généralement avec un homme ou avec une femme ».
Mais aujourd’hui, je pourrais ajouter qu’il s’agit aussi de faire un pas de côté, de discuter des sciences à partir d’un point de vue extérieur, par exemple en interrogeant l’imaginaire qu’elles déploient aux yeux des non-scientifiques, ou en formulant les questions que le public se pose à leur sujet. Ce faisant, en sortant les sciences de leur gangue, on apprend beaucoup de chose. On réfléchit tous azimuts, et ça peut mener très loin. C’est ce qu’indique au demeurant l’une des anagrammes de la conversation scientifique : ce qu’on sait à côté, vers l’infini.
L'équipe
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