

Cette semaine, "En français dans le texte" analyse un extrait de "Mémoires d’Hadrien" de Marguerite Yourcenar. Pour sa dictée, Rachid Santaki proposera "Les Dons des fées", extrait du recueil "Le Spleen de Paris" de Charles Baudelaire, et, en fin d'émission, une nouvelle anagramme d'Etienne Klein.
- Elsa Lepoivre Comédienne, sociétaire de la Comédie française
- Etienne Klein Physicien, producteur de l'émission "Le pourquoi du comment ?" sur France Culture
En français dans le texte propose de vous faire écouter les plus belles pages de la littérature française, écoutez et révisez, pour les moins de 18 ans. France Culture a choisi de faire vivre et revivre les grands textes de notre patrimoine littéraire, mais aussi parfois philosophique et historique, interprétés par de grands comédiens, et analysés de manière experte, en partenariat avec le ministère de l’éducation nationale.
Gore Vidal et Marguerite Yourcenar
Interrogé un jour sur l’influence de Mémoires d’Hadrien sur son œuvre, le romancier américain Gore Vidal, auteur de mémoires apocryphes de l’empereur Julien, rejette totalement la comparaison, reprochant à Yourcenar d’avoir « fait toutes les erreurs possibles pour un roman historique », en calquant la subjectivité de l’Empereur sur la sienne, en prêtant par exemple ses propres réflexions à Hadrien sur le futur empire britannique. Mais c’est ne pas comprendre que l’ambition de Marguerite Yourcenar n’est pas du tout de faire œuvre d’historienne.
« Grossièreté de ceux qui vous disent : Hadrien, c’est vous. », Marguerite Yourcenar n’avait pas attendu pour répondre à ces critiques, elle expliquait d’ailleurs sa démarche dans les Carnets de notes de « Mémoires d’Hadrien », répondant à la question de la reconstruction du monument « à sa manière ».
L’extrait choisi fait écho à cette question du personnage, puisque dès le début du chapitre est soulignée sa théâtralité. Ainsi, le long monologue d’Hadrien commence par la citation d’un célèbre vers de Corneille : « Rome n’est plus dans Rome, elle est toute où je suis ».
Le contexte
Marguerite Yourcenar a conçu le projet de ce livre en 1924. Fascinée par cet homme, elle décide après une visite de la villa Hadriana avec son père de se faire archéologue « du dedans ». Après bien des années d’hésitations, elle redécouvre son manuscrit dans une vieille malle en 1948, date qui n’est pas anodine, quelques temps après la fin de la guerre. « Depuis ce moment, il ne fut plus question que de récrire ce livre coûte que coûte », écrit-elle.
Près de vingt siècles après, il est d’une brûlante actualité. Ces constantes références d’Hadrien à « l’éternité » rappellent la formule de Paul Valéry : « Nous autres, civilisations, nous savons maintenant que nous sommes mortelles. »
Plus violents encore que la crise économique et morale de 1919, les bouleversements de la seconde guerre jettent une lumière nouvelle sur la figure d’Hadrien, désormais figure politique, alors que Yourcenar avait à l’origine été séduite par l’esthète bâtisseur et ses amours. « Si cet homme n’avait pas maintenu la paix du monde et rénové l’économie de l’empire, ses bonheurs et ses malheurs m’intéresseraient moins ».
Quelle fidélité à la réalité ?
« Trimalcion et Néron sont morts » : cette phrase montre que fable et histoire cohabitent dans le texte, puisque sont juxtaposés le cinquième empereur de Rome et le richissime affranchi qui donne un festin dans le Satyricon. Yourcenar a ainsi mêlé à ce monologue fictif des faits historiques, des vestiges (par exemple, le mur d’Hadrien), des œuvres réellement composées par l’empereur, ou encore l’existence d’une autobiographie destinée à son successeur.
Hadrien se raconte : « j’ai reconstruit », « j’ai effectué » , « j’ai veillé à ce que » , « j’ai défendu que », etc. À l’image d’un empereur bâtisseur qui est toujours demeuré maître des décisions.
Universalité et immortalité
Yourcenar insiste sur la proximité entre le je scripteur du IIème siècle et l’humanité toute entière, et aussi notre propre époque contemporaine.
Mais quel parallèle l’auteure fait-elle entre le IIe siècle après J.-C. et le XXe siècle d’où elle parle ? Yourcenar souligne nos insuffisances et critique toutes les dérives du XXe siècle, comme le taylorisme qui transforme les hommes en « machines », ou toutes les formes d’esclavage moderne. Les aspirations et les actions de l’empereur Hadrien en faveur de la justice et du droit sont universelles.
Marguerite Yourcenar croit au pouvoir incantatoire des mots. Il suffit de les prononcer pour immortaliser Rome. Dans la dernière section du volume, Hadrien commente : « Vue par lui, l’aventure de mon existence (…) s’organise comme un poème. » Ce livre est un tombeau littéraire, celui d’Hadrien.
Extrait lu par la comédienne Elsa Lepoivre, sociétaire de la Comédie-Française
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L'analyse de ce texte a été préparée par Simon Bournet-Ghiani, professeur au lycée Paul Cézanne à Aix en Provence.
>>> Lien vers la page Eduscol du site du Ministère de l'Education, des Sports et de la Recherche. Vous pourrez y trouver les analyses littéraire et grammaticale complètes.
Pour aller plus loin
Écouter la série que La Compagnie des auteurs a consacrée à Marguerite Yourcenar en 2016.
Écouter l'analyse de la fin de la section « Varius multiplex multiformis » de Mémoires d'Hadrien proposée par En français dans le texte le 19 septembre 2020.
Extrait musical
Vincent Touchard & Stephen Binet (feat. Baptiste Morel) : « Wrap your Trouble in Dreams » - Album : Happy Hours (2021) - Label CDZ.
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L'anagramme d'Etienne Klein
Je pourrais vous expliquer que "le vaccin obligatoire" semble bel et bien relever de son anagramme, qui est "la cabriole cognitive", que toute "leçon de logistique" relève, quant à elle, du "colloque indigeste" et que, d’ailleurs, il ne faut pas confondre "stratégie politique" "et partie logistique", qui sont pourtant deux expressions anagrammes l'une de l'autre…
Mais j’ai choisi de vous parler plutôt de Jean-Pierre Pernaut.
Le 18 décembre 2020, Jean-Pierre Pernaut a présenté son dernier journal télévisé sur TF1, après trente-trois ans de bons et loyaux services. Je ne souhaite pas revenir sur les commentaires innombrable que ce départ a suscités, simplement faire remarquer ceci : si l’on en croit les seuls nom et prénom de ce journaliste, rien ne le prédisposait à présenter le journal télévisé, à 13 heures pétantes chaque jour de la semaine, devant huit millions de téléspectateurs.
En effet, l’anagramme de Jean-Pierre Pernaut, découverte par Jacques Perry-Salkow, est, tenez-vous bien, "en rien préparé au JT". Comme quoi, il faut se méfier des coïncidences. Elles ne sont pas toujours signifiantes…
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