En 2008, à la London School of Economics, la reine Élisabeth II pose une question restée célèbre aux professeurs à propos de la crise financière : « Why did nobody notice it ? ». Les économistes ont en effet longtemps été accusés de n’avoir pas vu les signes menant à la crise financière de 2008.
- Laurent Cordonnier Economiste, professeur à l'université de Lille et chercheur au Centre Lillois d'études et de recherche sociologiques et économiques (Clersé)
- André Cartapanis Professeur d’économie et de finances internationales à Sciences-Po Aix et membre du Cercle des économistes
La crise de 2007-2009 est une crise systémique, qui présente de multiples facettes : partie d’une crise financière, elle est aussi pour partie liée à de grands déséquilibres macro-économiques globaux. Face à cette grande crise de la finance mondiale, les États et les banques centrales ont d’abord entrepris des opérations à vaste échelle de sauvetage ou de renflouement des banques en difficulté, avant de mener des politiques massives de soutien de la demande globale.
Le logement était apparu comme un nouvel eldorado, y compris pour les hommes politiques, et George Bush ne s'est pas privé d'encourager le mouvement en disant que la nouvelle frontière était de faire en sorte que tous les Américains possèdent leur maison. Cette intention politique a rejoint des banques et des institutions financières qui ont poussé au crime : elles sont allées chercher, de manière très aggressive, de nouveaux ménages pour s'endetter et acheter leur logement. - Laurent Cordonnier
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Depuis la crise de 2008, le débat sur la légitimité des économistes bat son plein, surtout dans le monde anglo-saxon : comment n’ont-ils pas pu prévoir l’explosion de la bulle et se tromper autant ? Bien sûr, il y a toujours une part d’aléas dans la crise et on ne reproche pas aux médecins de n’avoir pas prévu et prévenu la pandémie, ni aux sismologues de ne pas prévoir certains séismes. Mais les économistes, eux, n'auraient-ils pas pu réaliser l’ampleur des fragilités financières ?
Pour beaucoup de modèles, notamment ceux utilisés par les banques centrales, la crise ne pouvait pas exister parce qu'on considérait la finance comme étant nécessairement efficiente et basée sur des anticipations rationnelles qui ne perturbaient pas l'économie réelle et qui ne pouvaient créer que du bruit. C'est cela l'erreur fondamentale. - André Cartapanis
Jusqu’en 2007 et jusqu’aux premiers signes de fragilité systémique, une pensée économique dominante s’est maintenue, communément qualifiée de “mainstream”, recouvrant de nombreux postulats, dont l’efficience des marchés financiers, l’autorégulation de la prise de risque parmi les banques et les vertus stabilisantes des dérivés, notamment des dérivés de crédit. Cette légitimation idéologique de la nouvelle architecture financière a largement négligé le risque de crise systémique.
Les économistes auraient-ils pu percevoir des signes de la crise ? Quelles sont les inspirations des politiques économiques menées face à la crise, et dans l’après-crise ? La crise a-t-elle véritablement bouleversé le paradigme ou ne procède-t-on qu’à des amendements marginaux ? Pour en parler, nous avons fait appel à André Cartapanis, professeur d'économie à Sciences Po Aix et membre du Cercle des économistes et Laurent Cordonnier, économiste, professeur à l'université de Lille et chercheur au Centre Lillois d'études et de recherche sociologiques et économiques.
Références sonores
- Discours de George Bush à la Nation le 24 septembre 2008 sur CBS News, diffusé dans le documentaire "LSD - Episode 4 : 2008, la crise sans fin" (France Culture, 19 novembre 2020)
- Interview de l'économiste Raghuram Rajan qui revient sur la conférence de Jackson Hole de 2005
- Nicolas Sarkozy dans son discours à Toulon sur l'Europe et la crise financière (Public Sénat, 2 décembre 2011)
- Extrait du documentaire "LSD - Episode 4 : 2008, la crise sans fin", lui-même extrait de "L'Islande et la crise. Sur les docks" (France Culture, 24 avril 2009)
- Explications de Joseph Stiglitz sur les défaillances du marché en 2015 dans le cadre du "Core project"
- Fiction France Culture : "La Saga des Lehman Brothers", de Stefano Massini (2016)
Références musicales
- "A Tale Of The Ticker" - Frank Crumit
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