Épisode 1/3 : Quel chantier !

Pour le député de la Troisième République, Martin Nadaud, "quand le bâtiment va tout va". Cette phrase illustre l'importance du secteur de la construction et du BTP au sein de la croissance économique en tant qu'investissement productif mêlant de nombreux corps de métiers et de secteurs : logements individuels ou collectifs, bureaux, services publics, ... 

Pourtant, à l'heure actuelle, la construction neuve représente, en France, au mieux 1 % du parc de logements existants. Depuis le XXe siècle, le poids de la construction dans la valeur ajoutée n'a cessé de se réduire. On peut ainsi parler, dans la même logique de "désindustrialisation", de "déconstruction" de nos structures économiques. 

Un secteur affaibli par le Covid-19

En plus de ces évolutions structurelles, la crise sanitaire liée au Covid-19 a largement affaibli ce secteur de par la mise en place de mesures de confinement de la population. Ainsi, entre 2019 et 2020, l’activité du bâtiment a diminué de plus de 6,3 %. Cependant, dans un contexte de reprise économique forte durant l'année 2021, les permis délivrés ont progressé de 18,3 %, les mises en chantier de 4 %, permettant ainsi au bâtiment d'enregistrer une baisse de 20,8 % des défaillances d'entreprises au troisième trimestre 2021. Cela illustre ainsi que la construction est largement liée à la conjoncture économique globale. 

La demande en logements neufs, principalement déterminée par le prix du foncier, concerne majoritairement les maisons individuelles, les infrastructures publiques et les logements sociaux, malgré un ralentissement de ce dernier volet du fait de la crise sanitaire.

Construire : un enjeu politique

Dans tous les cas, les autorités publiques sont au cœur des processus politiques et économiques impliquant la construction. Les mairies ont ici un rôle central étant donné qu'elles constituent la clé de voute institutionnelle permettant d'octroyer les permis de construire. La question de l'aménagement urbain, de réorganisation de l'espace et des formes de la ville et de densification sont des questions éminemment politiques, qui peuvent évoluer et se différencier en fonction de l'appartenance à tel ou tel parti. Dans un contexte de forte pression urbaine et de mobilité accrue des ménages, construire dans un environnement de plus en plus limité par des contraintes législatives, naturelles et de nouvelles envies de logement apparait comme un enjeu important pour les politiques publiques à venir.

A l'issue des élections municipales de l'année dernière [2020], les équipes nouvellement élues se sont, à leur tour, pleinement interrogées sur la question de la construction. Aujourd'hui, on constate que plus aucun élu n'envisage de construire un logement qui ne soit pas écologique, qui ne soit pas durable.  Cependant, on note également, dans certaines communes, une certaine réticence à construire parce qu'elles considèrent que cela fait venir de nouvelles populations, que ça crée des nuisances au moment des travaux de construction et que ça entraîne des charges supplémentaires pour les collectivités. Il n'est toutefois pas faux de dire que si vous construisez des immeubles, il faudra alors une nouvelle école, une nouvelle crèche et des centres de loisirs. Ainsi, étant donné que cela nécessite la prise en compte d'une multitude d'enjeux, beaucoup de collectivités locales se questionnent autour de leur programme de logements. Par ailleurs, il semble y avoir une sorte de contradiction entre la volonté politique générale d'avoir une construction plus dense pour des raisons écologiques, en vue d'éviter l'étalement urbain comme l'indique la Loi Climat, et ce désir des français de continuer sur le modèle des maisons individuelles. Eric Lombard 

Un levier pour lier aménagement et écologie

Par ailleurs, ce secteur est aussi de plus en plus utilisé comme un instrument pertinent afin de concilier aménagement et lutte contre le réchauffement climatique. Avec des objectifs de "zéro artificialisation et zéro densification", les pouvoirs publics portent une attention particulière à construire neuf mais durable. Des innovations technologiques et des dispositions législatives, notamment au travers de la loi climat-résilience, semble montrer que le secteur tend vers un modèle économique plus "vert" et durable au travers de l'utilisation de matériaux recyclés et de nouvelles logiques énergétiques.

A l'heure actuelle, bien que la transition soit plutôt lente, plusieurs changements de paradigme apparaissent de manière concomitante. On assiste donc de plus en plus à des projets de construction appelant à la sobriété foncière, que se soit en termes de matériaux ou d'usage du sol. De plus, on semble tendre vers d'autres formes de logiques urbaines en sortant du modèle de la maison individuelle pour aller vers des logements plus collectifs, bien qu'elle reste un modèle économique reconnu et une véritable aspiration pour de nombreuses personnes. Cependant, on cumule encore des difficultés pour avancer réellement vers un modèle plus sobre. En France, la réutilisation de matières premières est encore peu développée alors qu'on pourrait utiliser, par exemple, le béton de bâtiments détruits pour en façonner de nouveaux.  Hélène Peskine 

Cependant, la construction se place également au cœur de contraintes environnementales de plus en plus fortes qui font peser des risques pour sa viabilité à long terme. Face aux risques accrus de pénuries de matières premières (cuivre, acier, bois, ...) et de sable, éléments absolument structurants pour ce secteur, la construction se place face à des limites qui pourraient se présenter de manière durable.

Cette situation [de pénurie des matières premières] constitue la conséquence de la crise Covid et des confinements puisque ceux-ci ont provoqué, comme dans la plupart des activités économiques, la rupture au sein de nombreuses chaînes d'approvisionnement et de production, étant donné que celles-ci s'avèrent être mondialisées. On a donc une réelle difficulté à faire revenir une partie des matériaux absolument indispensables pour la construction comme, par exemple, les fenêtres qui sont alors fabriquées dans les pays asiatiques. Pour ce qui est d'autres matériaux comme le ciment ou le bois, on est sur une autre logique étant donné que les pénuries de sable ou d'eau sont, dans ce cas, plutôt liées au changement climatique.  Hélène Peskine

Pour comprendre le marché de la construction, nous avons le plaisir de recevoir Hélène Peskine, Architecte urbaniste générale de l'Etat Secrétaire permanente du Plan Urbanisme Construction Architecture (PUCA), au Ministère de Transition écologique et Éric Lombard, directeur général de la caisse des dépôts.  

Références sonores 

• Marcel LODS, architecte, au micro de Paul Peronnet, RTF, 10 novembre 1948 
• Les pieds sur terre, “Conflit de voisinage : faire de l’ombre”, un reportage de Leila Djitli, 30 janvier 2018 
• Luc Weisman, architecte dans LDS “Les codes du bâtiment”, 13 octobre 2021
• Astérix et Cléopâtre mission cléopâtre, Alain Chabat (2002)
• Matières premières : la filière du bâtiment sous tension Jacques Duchemin, entreprise MANDIN, France Culture, 21 juillet 2021
• Des bâtiments plus durables : Nicolas Delon, architecte et cofondateur du collectif "Encore heureux" dans le grand reportage “La fabrique de la ville solidaire”, France Culture, 22 janvier 2021

Références musicales 

J’ai une maison pleine de fenêtres - Anne Sylvestre (2016)

Blame - Gabriels (2021)

Ben Franklin - Snail mail (2021)