Épisode 2/3 : Les libertins, ou le calcul des plaisirs

Au siècle des Lumières, dans les salons parisiens, on croise des aristocrates, des abbés, des mondains et bien sûr des libertins. Ces derniers participent à la circulation des idées philosophiques de leur temps. Ainsi, Crébillon, Sade ou Choderlos de Laclos proposent dans leurs romans une économie de la volupté qui va de l'accumulation des conquêtes à la recherche modérée de jouissance. A la morale du Grand Siècle succède, succède une éthique beaucoup plus individualiste et calculatrice, qui trouve écho chez les libertins. Hédonistes et calculateurs, les libertins font entrer des logiques économiques dans le domaine érotique, créant un nouvel avatar de l’homo œconomicus qui fait son entrée dans le champ de l’intimité.

Une économie libidinale

Selon Elise Sultan-Villet "il existe un imaginaire libertin de l'accumulation et de l'addition. On retrouve des personnages qui n'ont qu'une seule idée en tête, c'est d'avoir le plus possible de partenaires. Ce sont des collectionneurs et des collectionneuses. Il y a l'idée de machine à calculer car la jouissance est le fait du nombre en tant que tel. Plus on a pléthore de corps à disposition, plus on peut jouir un maximum. Le bonheur équivaut à un nombre et à un nombre infini".

Séverine Denieul prend l'exemple de Casanova : "Les stratégies développées par Casanova sont au service d'une accumulation d'argent pour le dilapider. Il dit à une amante qu'il veut séduire qu'il est un dissipateur. L'argent n'est pas un but en soi. Casanova ne thésaurise pas, il récupère cet argent. Il essaye par tous les moyens de le dépenser, de le dilapider avec ses conquêtes amoureuses".

La balance libertine

Pour Elise Sultan-Villet : "Il existe deux types de libertins. Ces deux modèles sont mobilisés par Smith avec d'un côté le libertin qui serait dépensier, prodigue et excessif, et d'un autre côté, un libertin plus sobre, plus économe. Ce libertin sobre doit faire de preuve de vertu par nécessité car il se trouve vieillissant, malade ou parfois lassé de son mode de vie".

Pour Séverine Denieul "au XVIIIᵉ siècle, la distinction entre philosophie stoïcienne et de philosophie épicurienne n'est pas marquée et les libertins se concentrent sur la recherche de la modération et une certaine forme d'ataraxie. Casanova se réfère à ces deux doctrines en les mélangeant. Il y a cette volonté absolue d'arriver à un état de modération, un état de sagesse et de tranquillité de l'âme. Il est vrai que l'image du libertin est plus associée à la fureur, à la dépense mais c'est un cliché qu'il faut essayer de mettre à distance pour retrouver le véritable sens de ce que peuvent avoir ces traditions au XVIIIᵉ siècle".

Références sonores

• Extrait de l'opéra Don Giovanni de Mozart, “Madamina, il catalogo è questo”, 1787
• Extrait du film La collectionneuse de Rohmer, 1967
• Lecture de Histoire de ma vie de Casanova, tome I, Préface, 1822
• Lecture de Histoire de Dom Bougre , Gervaise de Latouche, tome II, 1741
• Lecture de Margot la ravaudeuse de Fougeret de Monbron, 1800
• Lecture de La lettre à Ménécée, Epicure

Références musicales

Symphonie n°88 en Sol Majeur de Haydn - Leonard Bernstein - New york Philarmonie

Spitting off the edge of the world - Yeah Yeah Yeahs ft Perfume Genius