L'économie selon... Stéphane Brizé : épisode 10/100 du podcast L'économie selon...

Au sein de l'œuvre de Stéphane Brizé, l'économie constitue la clé de voute qui conditionne l'ensemble des choix individuels. Ici au Festival de Cannes en 2018
Au sein de l'œuvre de Stéphane Brizé, l'économie constitue la clé de voute qui conditionne l'ensemble des choix individuels. Ici au Festival de Cannes en 2018 ©AFP - LOIC VENANCE
Au sein de l'œuvre de Stéphane Brizé, l'économie constitue la clé de voute qui conditionne l'ensemble des choix individuels. Ici au Festival de Cannes en 2018 ©AFP - LOIC VENANCE
Au sein de l'œuvre de Stéphane Brizé, l'économie constitue la clé de voute qui conditionne l'ensemble des choix individuels. Ici au Festival de Cannes en 2018 ©AFP - LOIC VENANCE
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Stéphane Brizé propose dans ses films une lecture à la fois personnelle et universelle de la question sociale, des luttes collectives et de la dénonciation des inégalités. Reflet des trajectoires personnelles pris dans les logiques implacables de l'économie, son œuvre engagée interroge et éclaire.

Avec

La question de la rupture au centre d'une œuvre engagée 

Né en 1966, Stéphane Brizé s'est ouvert au monde au moment de sa découverte de la culture. Issu d'un milieu modeste, son départ pour Paris à l'âge de 20 ans pour suivre des cours de théâtre ne sera pas véritablement compris et accepté par son entourage, voyant alors son départ comme une "trahison" de son milieu social d'origine. A partir de cette expérience personnelle, la question de la "rupture" et de l'influence des origines sociales sur les trajectoires de vie vont être au cœur de son œuvre cinématographique. 

Dès son premier court-métrage, Bleu Dommage, sorti en 1993, Stéphane Brizé a construit un cinéma où l'économie, et surtout son importance, son influence sur des trajectoires individuelles, joue le premier rôle. Le réalisateur cherche à comprendre comment des dynamiques productives et financières globales peuvent impacter des hommes et des femmes au plus profond de leur être et les mener à subir, dans leur quotidien, des violences sociales et symboliques.   

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Mettre en scène l'asservissement par le travail 

Le fil conducteur de ses principaux films semble donc se dégager autour d'une réflexion sur la nature profonde du travail. Alors que celui-ci a pu être vu comme un instrument d'émancipation des corps et des esprits, la révolution industrielle et l'expérience des masses ouvrières en usine ont permis de faire prendre conscience que le travail pouvait apparaître comme une véritable oppression, de véritables chaînes qui annihilent l'individu et qui le prive de toute son humanité. Les films de Stéphane Brizé sont la traduction moderne de cette réflexion philosophie, anthropologique à ce travail qui asservit et à ce système économique qui, dans toute sa réalité et sa violence, contraint les individus à suivre et subir ses logiques implacables.

De la lutte individuelle à la lutte sociale 

Stéphane Brizé met donc en scène des professions "oubliées" et peu considérées par le reste de la société, où le supermarché et l'entreprise apparaissent comme les théâtres contemporains de la répression économique. Dans un style où l'hyperréalisme déconstruit la nature et le sens artistique de la fiction, ses protagonistes sont au centre d'une lutte personnelle qui finit par apparaître comme une lutte contre la banalisation généralisée de la violence sociale. 

La Loi du marché ou En guerre sont deux films où l'humiliation, la stigmatisation économique ou sociale font place à l'écœurement et la colère, face au cynisme et au tragique d'une réalité personnelle et sociale faite de souffrance mais qui anime l'âme de la volonté de remettre en cause l'inacceptable.   

Des films qui donnent une voix à ceux qui n'en ont pas, qui les remettent au centre de l'attention, qui redonnent du sens à des existences qui n'en ont plus, tout en faisant rejaillir leur humanité et leur dignité dans un monde qui leur en privent, Stéphane Brizé fait donc du cinéma une arme politique pour dénoncer le système économique néolibérale et les souffrances individuelles qui en découlent. 

Références sonores 

  • Extrait des films "Le bleu des villes" (1999) et "je ne suis pas là pour être aimé" (2004) de Stéphane Brizé  
  • Extrait du film "la loi du marché" (2015) de Stéphane Brizé 
  • Entretien avec Johann Chapoutot, historien, France Culture, 8 janvier 2020 
  • Extrait du film "Une vie" (2016) de Stéphane Brizé
  • Extrait du film "The Navigators" (2001) de Ken Loach

Références musicales