L'État, un parasite économique ? Milton Friedman est présenté comme le chantre du libéralisme de la seconde moitié du XXe siècle, en opposition à un Keynes, héraut de l'interventionnisme. Mais les deux penseurs s'opposent-ils vraiment sur tout ?
- Sylvie Rivot Professeur des université à l'Université de Haute-Alsace (Mulhouse) et membre du laboratoire de recherche BETA à Strasbourg
Cette semaine, Entendez-vous l'éco ? rediffuse notre série : "Qui a peur de Milton Friedman ?", diffusée pour la première fois sur France Culture le 19 janvier 2021. Aujourd'hui, l'Etat à sa juste place.
Pour parler de la théorie friedmanienne de l'État, nous avons fait appel à la spécialiste de l'histoire de la pensée économique Sylvie Rivot, professeure des Université à l'Université de Haute-Alsace (Mulhouse) et membre du laboratoire de recherche BETA à Strasbourg.
Méfiance absolue envers le collectif, haine de l’intervention publique et partisan de la liberté absolue : c’est généralement sous ces traits qu’est présenté le chantre du libéralisme de la seconde moitié du XXe siècle, qu'est Milton Friedman. Surtout, ses théories sont présentées systématiquement en opposition à celles de l’autre grand penseur de l’économie de marché du XXe : John Maynard Keynes. Mais peut-on résumer Friedman à un simple « anti-Keynes » ? Dans quelle mesure sa pensée s’est-elle construite en pure opposition à celle de son prédécesseur et dans quelle mesure peut-on au contraire voir des parallèles voire des similarités entre elles ?
C’est autour de la question de l’intervention de l’État et de la juste dose de « laissez-faire » dans l’économie que le débat se polarise. Loin mis de côté, l’État est au cœur de la pensée de Friedman, et surtout autour d’une problématique majeure : dans quelle mesure l’État est-il capable de stabiliser et optimiser une économie de marché décentralisée ? Loin d’être un libertarien, voire un anarchiste comme on a pu le décrire, Friedman nuance son analyse dans ses premiers écrits, puis va se « radicaliser » dans les années 1960 en accentuant son opposition avec Keynes au fur et à mesure que ses théories sur le pouvoir réel de l’intervention publique s’étoffent.
Sur la question de l’État, Keynes et Friedman s’opposent par la confiance qu'ils lui accordent : le croit à la capacité de l’autorité publique à améliorer le fonctionnement du système alors que, pour le deuxième, on est partout et avant tout des individus. - Sylvie Rivot
Comment la pensée de Friedman s’est-elle saisie de celle de Keynes ? Pourquoi les deux économistes sont-ils sans cesse ramenés l’un à l’autre ? Comment la question de la relance keynésienne a-t-elle permis à Friedman d’affirmer sa position vis-à-vis du rôle de l’État ? Dès lors qu'il aura formulé sa démonstration de l’inefficacité de l’État, Friedman va affiner ses outils méthodologiques pour prouver à quel point l’intervention publique est caduque et contre-productive. Prise en compte du comportement des individus, résorption du chômage : autant de domaines cruciaux pour le bon fonctionnement de l’économie dont l’État ne sait pourtant pas se saisir. Consommant définitivement la rupture avec Keynes, Friedman ne laissera que quelques domaines d’intervention restreints à l’État, témoignant ainsi de sa foi indéboulonnable dans les mécanismes « naturels » du marché.
Friedman a opéré une rupture méthodologique majeure : les ménages décident de leur niveau de consommation comme s’ils connaissaient le revenu qu’ils auraient sur l’ensemble de leur vie. En effet, la consommation fluctue moins que le revenu global, ils agissent selon leur revenu permanent et non pas leur revenu courant. - Sylvie Rivot
Références sonores
- Extrait du film "Zootopie" (Byron Howard, Rich Moore / 2016)
- Extrait du discours de Ronald Reagan, 20 janvier 1981
- Extrait de l'émission Free to choose avec Milton Friedman (1980)
- Lectures par Tiphaine de Rocquigny d'un extrait du livre Capitalisme et liberté de Milton Friedman (1962)
- Extrait d'un discours de Georges Pompidou, mai 1968
Références musicales
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