L'État sait s'endetter, mais sait-il dépenser ?

François Villeroy de Galhau, le Gouverneur de la Banque de France a assuré que la BCE allait "recalibrer" sa politique monétaire et serait aussi innovante qu'il le faudrait dans sa réponse à la crise.
François Villeroy de Galhau, le Gouverneur de la Banque de France a assuré que la BCE allait "recalibrer" sa politique monétaire et serait aussi innovante qu'il le faudrait dans sa réponse à la crise. - STEPHANE DE SAKUTIN
François Villeroy de Galhau, le Gouverneur de la Banque de France a assuré que la BCE allait "recalibrer" sa politique monétaire et serait aussi innovante qu'il le faudrait dans sa réponse à la crise. - STEPHANE DE SAKUTIN
François Villeroy de Galhau, le Gouverneur de la Banque de France a assuré que la BCE allait "recalibrer" sa politique monétaire et serait aussi innovante qu'il le faudrait dans sa réponse à la crise. - STEPHANE DE SAKUTIN
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Les États n'ont jamais pu s'endetter à des niveaux aussi élevés et à des taux aussi bas. La BCE a ainsi pris en part prépondérante dans la réponse économique à la crise du Covid. Mais ces capitaux circulent-ils dans l'économie réelle ?

Avec
  • Eric Chaney Conseiller économique de l'institut Montaigne
  • Éric Monnet Économiste, professeur à la Paris School of Economics (PSE) et directeur d’études à l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS)
  • Anne-Laure Delatte Économiste, chercheuse au CNRS, membre du laboratoire LEDa de l'université Paris-Dauphine, spécialiste de la finance, des paradis fiscaux et de la zone euro

Alors que le sénat examine aujourd’hui le quatrième projet de loi de finances rectificatives pour l’année 2020, qui creuse le déficit de 20 milliards d’euros supplémentaires et porte la dette publique au niveau record de 119,8% du PIB pour l’année 2020, le PIB plonge et les entreprises vacillent sous le poids de leurs dettes. Reconfinée depuis fin octobre, l'impact de l'épidémie sur l'économie française a été revu à la hausse : la récession attendue est de 11 %, contre un recul de 10 % du PIB dans la précédente prévision de septembre. 

Actuellement, la dette publique a augmenté à un niveau rarement atteint dans l’histoire, même en temps de guerre. Pourtant, le taux d’intérêt reste très faible : les gens veulent de la dette en dépit du fait qu’elle soit accumulée dans des proportions très peu connues. - Eric Monnet

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L'économie est placée sous assistance respiratoire, grâce aux milliards injectés à répétition pas la banque centrale. Heureusement, avec des taux directeurs négatifs, le coût de l'endettement auprès de la Banque centrale européenne (BCE) est faible. Cette dernière a ainsi pris une place prépondérante dans le financement de la dette publique française : alors qu'elle n'en possédait que 2 % en 2010, la part possédée par la BCE était de 20 % fin 2019, avant même la pandémie, et devrait encore progresser avec la crise du Covid-19 durant laquelle elle a acheté 75% des dettes émises par la France.

Quand la Banque centrale européenne intervient, ça n’est pas pour aider les États à se financer. Son objectif, c’est de stabiliser l’inflation des prix. - Anne-Laure Delatte

S'il ne semble pas avoir d'alternative à l'endettement massif en cette période de crise, cette politique n'est pas sans son lot de problèmes : elle est tributaire de l’action des banques pour que la monnaie injectée par la banque centrale ruisselle dans l’économie ; elle est plutôt mauvaise pour la stabilité financière, car elle contribue à créer des bulles ; et elle induit des effets redistributifs importants au détriment des plus précaires, en enrichissant notamment les détenteurs d’actifs financiers.

Les Banques centrales ont pour objectif de contrôler les taux d’intérêts à long terme en achetant de la dette publique et en donnant énormément de marge de manœuvre aux États – Eric Chaney

Car l'endettement des États n'aura les effets escomptés que si l'argent s'achemine dans les canaux de l'économie réelle. Or, pour l'instant, la réduction des taux d'intérêt des prêts bancaires pour les entreprises s'avère limitée, malgré la politique accommodante des grands argentiers. Comment faire pour que les capacités d’endettement de l’État se transforment en capacités d’investissement ? Les marchés financiers sont-ils le meilleur intermédiaire financier dans cette période de crise inédite, ou faut-il inventer des scénarios alternatifs ? Pour en parler, nous avons fait appel à trois économistes : Eric Monnet, professeur à PSE et directeur d’études à l’EHESS, Anne-Laure Delatte, chargée de recherche au CNRS et chercheure associée à l’Université Paris Dauphine, ainsi que Eric Chaney, conseiller économique de l'institut Montaigne.

Référence sonores

  • Bruno Lemaire, L'invité de 8h20, France Inter, 29 septembre 2020
  • Christine Lagarde, Forum de la Banque centrale européenne, 11 novembre 2020
  • Texte de Etienne Clavière, publié début juin 1789.

Références musicales

  • Paye tes dettes, Charles Trenet
  • Bakermat, Bad Dreams