La Poste : un service public à la dérive ?

La dette du groupe La Poste a atteint les 8,8 milliards d’euros en 2020, contre 6,5 milliards d’euros en 2019.
La dette du groupe La Poste a atteint les 8,8 milliards d’euros en 2020, contre 6,5 milliards d’euros en 2019. ©AFP - FRANCK FIFE
La dette du groupe La Poste a atteint les 8,8 milliards d’euros en 2020, contre 6,5 milliards d’euros en 2019. ©AFP - FRANCK FIFE
La dette du groupe La Poste a atteint les 8,8 milliards d’euros en 2020, contre 6,5 milliards d’euros en 2019. ©AFP - FRANCK FIFE
Publicité

Le 16 mars, environ 200 facteurs ont manifesté devant le siège de La Poste à Paris pour dénoncer la dégradation de leurs conditions de travail, aggravée selon eux par les réorganisations depuis le début de la crise sanitaire. Quelles ont été les décisions prises par le groupe ?

Avec
  • Joëlle Toledano Professeure émérite d'économie, associée à la Chaire « Gouvernance et Régulation » de l'Université Paris-Dauphine
  • Nadège Vezinat Sociologue et maîtresse de conférences à l’Université de Reims Champagne Ardenne
  • Nicolas Jounin sociologue

La crise sanitaire, période où les contacts virtuels étaient plus que jamais notre moyen de communiquer, entre messageries instantanées et « apéros visio », a encore plus réduit à néant le monde du courrier de distribution de masse, qui était déjà en difficulté depuis une dizaine d’années. En 2020, le volume du courrier traditionnel a diminué de 18% et la hausse de 29% des volumes du colis classique (Colissimo), n'a pas suffi à amortir cette baisse.

Le volume de courrier baisse, oui, mais le volume du nombre de destinataires augmente très fortement. D'après La Poste, on est passés en une quinzaine d'années de 33 millions à 41 millions de boîtes aux lettres. Donc cela fait plus de gens à desservir, plus de routes à parcourir, alors qu'il y a moins de courrier à distribuer. Il y a des coûts fixes très importants, comme le déplacement du facteur qui doit se rendre devant ces boîtes aux lettres : que vous ayez une ou dix lettres, il doit aller jusque là. - Nicolas Jounin

Publicité

Depuis les années 1990, le groupe opère un changement stratégique qui se concentre autour des colis et de la finance. Le rapprochement entre La Banque Postale et CNP Assurances a permis de sauver les résultats financiers de La Poste : sans l’apport de CNP Assurances, La Poste aurait accusé une perte de 1,2 milliard d'euros en 2020.

Avant que La Poste ne devienne une entreprise publique dans les années 1990, c'était le Ministre des Postes et Télécoms (P&T) qui était à la fois le patron de l'activité et le régulateur. C'était un conflit d'intérêts. La Poste a obtenu un certain nombre d'activités bancaires et financières en échange de sa rentrée dans le cadre général de l'entreprise. - Joelle Toledano

Le 25 février, le groupe La Poste a lancé son plan stratégique 2021-2030, avec l'ambition de faire du groupe public "la première plateforme européenne du lien et des échanges", en préservant la distribution du courrier , renforçant sa position dans le colis et développant de nouveaux services.

En faisant disparaître les boîtes aux lettres de rue, ce n'est plus le facteur qui va relever le courrier mais l'usager qui déposera ses lettres au bureau de Poste. Or, l'accessibilité sur le territoire est un vrai enjeu de service public : la déshérence des territoires est un enjeu réactivé à l'heure de la lutte contre les déserts territoriaux. Dire qu'un service public est déficitaire empêche de regarder ce qu'il prend en charge. Ce qui n'est pas mesuré, comme le lien social ou la présence sur le territoire, est rendu invisible, et c'est dommage. - Nadège Vézinat

Quel impact la crise sanitaire a-t-elle eu sur le groupe La Poste ? Comment le groupe compte-t-il se réorganiser pour survivre aux innovations du XXIe siècle ? Est-ce la fin du courrier traditionnel ? Pour en parler, nous avons fait appel à Nadège Vézinat, sociologue et maîtresse de conférences à l’Université de Reims Champagne Ardenne, Nicolas Jounin, sociologue au Centre de recherches sociologiques et politiques de Paris (CRESPPA) et maître de conférences à l'université Paris-VIII-Saint-Denis et Joëlle Toledano, professeure émérite d'économie, associée à la Chaire « Gouvernance et Régulation » de l'Université Paris-Dauphine.

Le Journal de l'éco
4 min

Références sonores

Références musicales

  • Fear Facteur - Archimède
  • To This Tree - Rover

Pour aller plus loin

L'équipe