Le prix de la terre : épisode 3/3 du podcast Brésil : la puissance désenchantée

Agricultural harvester machine harvesting soybeans. Tapurah, Mato Grosso, Brazil.
Agricultural harvester machine harvesting soybeans. Tapurah, Mato Grosso, Brazil. ©Getty - Herbert Pictures
Agricultural harvester machine harvesting soybeans. Tapurah, Mato Grosso, Brazil. ©Getty - Herbert Pictures
Agricultural harvester machine harvesting soybeans. Tapurah, Mato Grosso, Brazil. ©Getty - Herbert Pictures
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Comment le Brésil est-il devenu une grande puissance agricole d’exportation ?

Avec
  • Hervé Théry Géographe, directeur de recherche émérite au CNRS, professeur à l'Universidade de São Paulo
  • Martine Droulers Géographe, directrice de recherche émérite au CNRS / Centre de recherches et de documentation de l’Amérique latine (CREDAL) de Paris III

Le puissant lobby de l’agrobusiness, fort de plus de 200 élu-es au Congrès, a joué un rôle non négligeable dans l’élection de Jair Bolsonaro en 2019 - et le président d’extrême droite le lui a bien rendu, puisque le secteur a vu ses profits exploser sous son mandat. Le pouvoir politique du secteur vient redoubler son pouvoir économique, puisque ce modèle garantit le succès commercial international du Brésil, devenu “ferme du monde”. Il en résulte cependant un prix à payer pour les petits paysans et l'environnement et de fortes tensions entre cultures vivrières et cultures d'exportation.

Le Brésil tourne au rythme de l’économie-monde : quand les richesses agricoles ouvrent l’économie à l’extérieur

Le Brésil est le premier producteur mondial de soja, dont la production devrait atteindre 150 millions de tonnes en 2022 (dont 95 millions pour l’export). En 2020, il était également le premier producteur de sucre de canne, de café et d’oranges, le troisième producteur de maïs, le deuxième producteur de viande de bœuf et le troisième producteur de poulet (selon les données de la FAO). Selon Hervé Théry "un des épisodes frappant à partir des années 70, c'est la coopération japonaise de la Jica (Agence japonaise de coopération internationale) qui a poussé les Brésiliens à s'intéresser au soja et le Brésil est devenu un très grand producteur mondial de soja. Le soja est devenu, en valeur et en volume, la principale production du Brésil, sur une sollicitation japonaise au départ. Aujourd'hui c'est la Chine qui est le premier client, c'est une agriculture qui est très tournée et très pilotée par les marchés. Il y a toujours une adéquation, une sorte de jeu de relais, entre l'initiative pionnière des agriculteurs, l'aide de l'Etat et le marché international". Martine Droulers ajoute "cette modernisation de l'agriculture est aussi pour le marché intérieur. Le Brésil était en croissance démographique très forte, il est passé de 70 millions d'habitants au début des années 70 à 150 millions, et en même temps la population qui était aux deux-tiers rurale est devenue aux deux-tiers urbaine, c'est donc un renversement total. Il faut donc nourrir cette population. Une grande partie de la modernisation de l'agriculture consiste à approvisionner le marché intérieur".

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L’agrobusiness, source de fractures, de conflits et d’inégalités au sein de la société brésilienne

On observe un partage des tâches croissant entre la paysannerie – en charge de nourrir le pays – et l’agrobusiness – voué à l’exportation. Il recoupe de plus des clivages géographiques et sociaux, entre grands et petits propriétaires terriens, la culture vivrière et la culture d'exportation. Selon Hervé Théry "ce qu'on voit le plus c'est une agriculture familiale et non familiale, c'est un mauvais terme, mais cela date du régime militaire où l'on ne voulait surtout pas dire agriculture paysanne et agriculture capitaliste, afin d'éviter de se rapprocher de Cuba et de la réforme agraire...Pendant longtemps il y avait 2 ministères de l'agriculture au Brésil : le ministère de l'agriculture et de l'exportation et le ministère du développement rural. Il y a donc 2 agricultures, une agriculture d'exportation, avec des petits agriculteurs qui travaillent autour, et toute une agriculture paysanne qui nourrit le pays". Les petits agriculteurs sont de plus en plus productifs, Martine Droulers ajoute "ils voudraient également faire de l'agroécologie, c'est-à-dire de faire des cultures qui soient précautionneuses de l'environnement. L'agriculture familiale du Sud du pays pourrait se comparer à une agriculture européenne, alors qu'au Nordeste on a beaucoup de petits producteurs qui sont un peu en dehors du marché et qui ont beaucoup de mal à survivre"

Bibliographie

  • Martine Droulers, Brésil, une géohistoire, Presses Universitaires de France, 2001.
  • Hervé Théry, Le Brésil, pays émergé, Armand Colin, 2016

Références sonores

  • Lecture Stefan Zweig : Le Brésil terre d’avenir, 1941, par Tiphaine de Rocquigny
  • Reportage sur la mise en place de la culture intensive du soja au Brésil, Itinéraires, France 2, 14 juin 1985
  • Reportage sur le partage des terres, “Brésil : haro sur les terres agricoles”, France 3, juin 2011

Références musicales

Sujeito de Sorte, par Ana Canas  2021
  I love this song, par Flowerovlove, 2022

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