Les start-up sont-elles seules à innover ?

Les start-up jouent un role de plus en plus important dans les innovations technologiques et digitales
Les start-up jouent un role de plus en plus important dans les innovations technologiques et digitales ©Getty - VCG
Les start-up jouent un role de plus en plus important dans les innovations technologiques et digitales ©Getty - VCG
Les start-up jouent un role de plus en plus important dans les innovations technologiques et digitales ©Getty - VCG
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Portées par le modèle de la Silicon Valley, les start-up cherchent à se placer comme les fers de lance de l'innovation technologique, malgré l'existence de fragilités économiques majeures.

Avec
  • Céline Antonin Economiste senior à l'OFCE
  • Hervé Lebret co-directeur de l’incubateur Inria Startup Studio, spécialiste du capital-risque et de la tech
  • Thomas Houy Maître de conférences en management à Télécom ParisTech et titulaire de la chaire Entrepreneuriat Numérique Etudiant (CENE)

"Une start-up est une organisation temporaire à la recherche d’un business model industrialisable et permettant une croissance exponentielle" selon Steve Blank, entrepreneur pionnier de la Silicon Valley. Selon cette définition, une start-up ne vend pas un produit fini, ou ne sait pas le vendre, mais espère être en capacité de le faire dans le futur et convaincre des investisseurs de la même chose.
Les investisseurs sont ainsi pleinement conscients de cette réalité, mais décident de prendre ce risque en investissant dans plusieurs entités; espérant ainsi que l’une d’entre-elle devienne l’équivalent de Google.

Les start-ups, la meilleure structure pour l’innovation technologique ?

Si on considère le risque élevé inhérent à la poursuite de l’innovation de rupture, on peut se demander pourquoi le modèle des start-up est à ce point soutenu par l’État, les fonds d’investissements et les grandes entreprises.

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Ce modèle est finalement une invention qui permet de contourner les risques de l’innovation, de l’exploration des possibles technologiques, sans les faire peser sur une entreprise déjà installée. Ces entreprises peuvent par ailleurs être réticentes à développer des technologies  mettant en péril le statu quo du marché. L’exemple célèbre reste celui de Kodak, dont les ingénieurs ont développé très tôt la photo numérique, qui n’est jamais sortie de leurs laboratoires de peur de déstabiliser le marché et de casser leur business basé sur la vente de pellicules.

De manière générale l’innovation de rupture peut se heurter à deux types de blocages qu’il est difficile d’anticiper en cours de conception : le risque d'exécution (si l’innovation en question se révèle impossible à développer) et le risque de marché (si l’innovation fonctionne mais que personne n’est prêt à l’acheter.
La force des start-ups est de contourner complètement le second risque. En réunissant des investisseurs sur la base de la popularité de la solution qu’elles proposent de développer, ces entités garantissent l’intérêt du marché pour leur produit.

Pour réduire le risque d'exécution, les start-up peuvent se concentrer dès leur création à l’élaboration de prototypes ambitieux, en remettant à plus tard les problématiques de rentabilité, ou même de monétisation. La faisabilité de la technologie est donc théoriquement la priorité des Start-up.
En revanche, pour les Start-up un échec est particulièrement difficile à encaisser, ces structures sont particulièrement fragiles. Il est difficile d’avoir des chiffres précis sur le taux de défaillances des start-up, l’Insee commençant à peine à mettre en place des catégories d’entreprises correspondant aux start-up.

Ce qui est certain, c’est qu’elles sont extrêmement peu nombreuses à devenir très importantes. Par exemple, on compte aujourd’hui 23 “licornes” en tout en France, soit 0,1% des entreprises identifiées par l’INSEE comme des start-up.

L’innovation, une affaire d’alliance entre start-up et grandes entreprises ?

L’innovation traditionnelle, portée par les entreprises, se développe dans des centres de recherche et développement internes. Mais la recherche qui y est faite est le plus souvent incrémentale et consiste en une optimisation de produits déjà existants. Ces innovations, ou améliorations, permettent à l’entreprise de préserver ou améliorer sa position dans un marché existant, alors que les start-up ont la capacité de créer un nouveau marché et de s’en emparer.

Le secteur de la R&D semble ainsi en perte de vitesse. Ce n’est en tout cas plus de là qu’on attend les innovations majeures. Les technologies numériques et les nouveaux vaccins à ARN messager sont ainsi venues de start-ups plutôt que d’IBM ou de Sanofi.

Mais les entreprises ont en fait tout à fait intérêt à accompagner cet écosystème, et à financer l’innovation en dehors. Grâce aux start-up, les entreprises ont externalisé le risque de l’innovation, en le faisant porter à d’autres entités qui pourront faire faillite à leur place. Leur stratégie d’innovation devient alors une stratégie d’investissement et de soutien d’écosystème, en espérant racheter les technologies les plus intéressantes à la fin.

Aujourd’hui, les rachats d’entreprises technologiques sont majoritairement faits aux États-Unis, où la culture d’acquisition de Start-up est mieux implantée. En France et en Europe, les entreprises ont encore du mal à prendre le risque d’acheter une technologie pour 100 ou 150 millions d’euros. De l’autre côté de l’atlantique, les géants du numérique n’ont pas peur d’aligner régulièrement de centaines de millions d’euros d’acquisition. 

La France peut-elle devenir une Start-up nation ? 

L’ambition de doter la France des caractéristiques d’une start-up nation (à l’image d’Israël) date de plusieurs années maintenant. L’idée étant, qu’après une phase de fort soutien, l'écosystème de start-up locales deviennent suffisamment dynamique et attractif pour fonctionner seul, créer des emplois et de la valeur. 

Si les progrès sont indéniables en matière de financements, d’entreprises et d’emplois créés, la route est encore longue si on considère la compétition avec le Royaume-Uni, l’Allemagne, sans parler des États-Unis ou d’Israël. 

Par ailleurs, un écosystème de start-up se fonde finalement sur la qualité de l’écosystème de recherche fondamentale sous-jacent. Les inventions sont faites dans les laboratoires de recherche publique alors que les innovations se font par les Start-up qui essaient de les transférer vers un marché d’utilisateurs. La commercialisation et la recherche sont deux choses différentes qu’il faut réussir à articuler. 

Finalement, l’écosystème de start-up n’est qu’une petite partie de l’écosystème d’innovation global, qui doit fonctionner comme un tout. Les indicateurs montrent un progrès français dans les déposes de brevets, les investissements liés à l’innovation, le numérique, mais la question des compétences numériques de la population reste encore un frein potentiel. 

Pour tout comprendre au sujet des Start-up, nous avons le plaisir de recevoir Thomas Houy, Maître de conférences en management à Télécom Paris, Céline Antonin, Économiste senior à l’OFCE et chercheur associé au Laboratoire de l’innovation du Collège de France
et Hervé Lebret, Co-directeur d’Inria Startup Studio. art