Épisode 1/3 : Natacha Valla, la monnaie au cœur de la crise

La crise a une nature très spécifique dans son impact sur le comportement humain et sur les interactions humaines : on a tous été forcés de faire le deuil de notre "être ensemble". Mais on n'a pas été empêchés dans nos échanges liés aux systèmes de paiement : on se rend compte qu'on a été confrontés à une expérience très positive par rapport à la réalité de la forme que prend la monnaie aujourd'hui, c'est-à-dire un mix entre une monnaie tangible et une monnaie dématérialisée, qui a montré tout son intérêt dans cette période. - Natacha Valla

La monnaie est l’instrument qui place l’économie et la finance au cœur du lien social. Plus que jamais, elle est en pleine mutation et est devenue un objet politique à part entière. La crise de 2020 nous a également enseigné que la norme monétaire qui a prévalu jusqu'alors est désormais ébranlée. Sa neutralité n’est plus un axiome, et la finance n’est plus considérée comme parfaitement efficiente. Pourtant, selon Natacha Valla, depuis des décennies, le sujet de la monnaie est l’un des angles morts des considérations des économistes orthodoxes et des politiques.

La monnaie soulève des questions de souveraineté, mais aussi des problématiques climatiques et de justice sociale. La souveraineté monétaire a changé avec les transformations de la monnaie, des paiements mobiles aux crypto-monnaies. Déjà avant la pandémie, et en dépit de l’expérience de la crise financière systémique de 2008, certains prévoyaient la disparition de la monnaie en tant que telle. Des moyens de paiement digitaux ultra performants auraient été à même de se substituer à la monnaie archaïque, remettant en cause le monopole de l’émission monétaire par la Banque Centrale Européenne. C’est d'ailleurs au sein de cette institution qu’a travaillé pendant deux ans notre invitée, en tant que directrice adjointe, en charge de la politique monétaire.

L'inflation est souhaitable : aujourd'hui, on souhaite une inflation entre 2% et 4% pendant quelques années pour réduire un peu la valeur nominale des dettes accumulées, remettre de l'huile dans les rouages, relancer les négociations salariales. La crainte, un peu irrationnelle de mon point de vue, que l'inflation aille au-delà, est ancrée dans le monétarisme, qui est une analyse assez datée. - Natacha Valla

Les travaux de Natacha Valla, tels que son dernier livre co-écrit avec Michel Aglietta, Le futur de la monnaie, entendent montrer que la monnaie est un sujet fondamentalement politique (et que la faiblesse du politique n’est jamais une bonne nouvelle pour les banquiers centraux). A ses côtés, nous passons donc en revue les grands débats qui animent aujourd’hui les économistes et politistes autour de la monnaie, en imaginant les futures formes qu’elle pourra endosser, tant sous le prisme de la crise de confiance à laquelle elle est confrontée que sous celui des politiques non-conventionnelles.

En quoi la monnaie est-elle un instrument politique ? Quels seront les futurs formes et usages de la monnaie ? Pour en parler, nous avons donc fait appel à Natacha Valla, économiste et doyenne de l’École de management et de l’innovation de Sciences Po.

Références sonores

• Extrait du film "La folie des grandeurs" (1971) de Gérard Oury
• Archive : Michel Debré évoque la nécessité de confiance dans le nouveau franc (1959, RTF)
• L'économiste Jézabel Couppey-Soubeyran plaide pour l'annulation de la dette (11 septembre 2020, Pour l'Eco)
• Lecture de l'essai "Pour une vraie concurrence des monnaies" de Friedrich Hayek (1976)
• Extrait d'un reportage sur une monnaie locale à Capestang dans l'Hérault pendant la crise de la Covid-19 (13 juin 2020, franceinfo)

Références musicales

• "Concerto en sol mineur BWV 975" - Jean-Sébastien Bach
• "Bad Guy" - Vitamin String Quartet