Penser la décroissance : épisode 3/3 du podcast Les économistes face à la nature

Au fil des alertes scientifiques, les mobilisations populaires se multiplient. Au First Earth Day, le 22 avril 1970, 20 millions de manifestants se rassemblent aux États-Unis.
Au fil des alertes scientifiques, les mobilisations populaires se multiplient. Au First Earth Day, le 22 avril 1970, 20 millions de manifestants se rassemblent aux États-Unis. ©Getty - Santi Visalli
Au fil des alertes scientifiques, les mobilisations populaires se multiplient. Au First Earth Day, le 22 avril 1970, 20 millions de manifestants se rassemblent aux États-Unis. ©Getty - Santi Visalli
Au fil des alertes scientifiques, les mobilisations populaires se multiplient. Au First Earth Day, le 22 avril 1970, 20 millions de manifestants se rassemblent aux États-Unis. ©Getty - Santi Visalli
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Face aux alertes des scientifiques dans les années 1970, l’économie écologique se développe : ses partisans veulent sortir d’une approche exclusivement économétrique et mathématique et réclament la justice climatique et sociale. Jusqu’à la décroissance ?

Avec
  • Antonin Pottier chargé de recherche au Cerna, École des Mines, auteur de "Comment les économistes réchauffent la planète" (Seuil)
  • Vincent Liegey ingénieur, chercheur interdisciplinaire, essayiste, spécialiste de la décroissance

Dans La décroissance, Entropie – Ecologie – Economie (1979), Nicholas Georgescu-Roegen interroge la notion de production et s’insurge contre cette conceptualisation abstraite et mécaniste des activités matérielles de l’homme : « Toute l’histoire économique de l’humanité prouve sans contredit que la nature elle aussi joue un rôle important dans le processus économique, ainsi que dans la formation de la valeur économique. Il est grand temps, me semble-t-il, d’accepter ce fait et de considérer ses conséquences pour la problématique économique de l’humanité ».

Considérer la matière entraîne l'interrogation du but même de l'économie. Pour Nicholas Georgescu-Roegen, notamment, ce qu'il ne faut pas oublier, ce sont les relations matérielles qui sous-tendent les relations économiques. Les relations d'échange, vues par le prisme des prix, doivent être appréhendées comme des relations de transformation de la matière. Si l'on fait cela, on réinsère l'économie dans les processus physiques : elle n'est plus une sphère autonome en surplomb de la réalité physique. - Antonin Pottier

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Dans les années 1960 et 1970, en effet, la mobilisation des scientifiques pour alerter sur la situation environnementale est large : ils sonnent l’alerte, c’est le moment de l’invention de l’« environnement » tel que nous l’entendons aujourd’hui. L’économie environnementale se développe : elle s’intéresse de plus en plus à la question du climat et de la pollution, alors que jusqu’à présent les économistes qui s’intéressaient à l’environnement s'étaient seulement interrogés sur la question de la finitude des ressources.

L’économie écologique, elle, va plus loin : son approche se veut pluridisciplinaire et, au-delà du calcul du coût économique du changement climatique, elle défend un développement durable de la société. Dans la lignée de Nicholas Georgescu-Roegen, elle insiste sur les mesures physiques des phénomènes et renouvelle l’analyse économique de la Nature. Plus tard, dans les années 2000, le terme de « décroissance » apparaît également dans le débat économique et social : c’est un projet économique qui pose la question de l’état stationnaire de la croissance et de la taille optimale de l’économie, mais également un projet politique et de justice sociale.

L'idée de la décroissance c'est de faire contrepied au concept de développement durable. Le développement durable, c'est l'idée, sans remettre en question la possibilité de vie digne des générations futures, de perpétuer la croissance. La force du mot « décroissance » réside dans le fait qu'on n'a jamais pu vider le mot de son sens et de sa substance. - Vincent Liegey

Où en est le courant de l’économie écologique ? La décroissance n’est-elle qu’une utopie ? Pour en parler, nous avons fait appel à Antonin Pottier, chercheur à l’EHESS au Centre International de Recherche sur l’Environnement et le Développement et à Vincent Liegey, essayiste et chercheur indépendant sur la décroissance.

La conjoncture historique n'est pas portée sur la question de la décroissance. En partie parce que, par rapport aux années 1970, l'Occident a beaucoup moins confiance en sa propre supériorité et est pris dans une course à la puissance qui fait que s'il revoit les priorités maintenant, il sera accusé de laisser d'autres puissances le rattraper. - Antonin Pottier

Tout un monde
30 min

Références sonores

  • Lecture d'un extrait de Théorie économique et économie politique agraire de Nicholas Georgescu-Roegen (1967, source : Persée)
  • Extrait d'un discours de Dennis Meadows, co-auteur du rapport The limits of Growth (source : France Culture, 30 avril 2012)
  • Présentation de Karl Polianyi par Bernard Chavance dans « Les Chemins de la Connaissance » (2011, source : France Culture)
  • Interview de Serge Latouche dans « A voix nue » (2013, source : France Culture)
  • Lecture d'un extrait de Dans les forêts de Sibérie de Sylvain Tesson (2011)
  • Interview de l'économiste Eloi Laurent dans « Les Matins » (source : France Culture)

Références musicales

  • « Rendez-vous la lumière » - Dominique A
  • « Once » - Anna Leone