Le veto opposé par le gouvernement au rachat de Carrefour par le canadien Couche-Tard a relancé le débat autour de la souveraineté économique, déjà remis sur le devant de la scène par la pandémie de Covid-19.
- Emmanuel Combe Economiste, professeur à Skema Business School et vice-président de l'Autorité de la concurrence.
- Christian Saint-Etienne Economiste et analyste politique, professeur titulaire de la chaire d'économie industrielle au Conservatoire national des arts et métiers (CNAM)
- Cornelia Woll Professeure de science politique au Centre d’études européennes et de politique comparée de Sciences Po, co-directrice du centre de recherche franco-allemand Max Planck Sciences Po Center
Le 15 janvier, le ministre de l'économie Bruno Le Maire a exprimé son "non courtois, mais clair est définitif" au rachat de Carrefour par le géant canadien Couche-Tard, au nom de la souveraineté alimentaire. La décision, bien que globalement saluée dans les cercles politiques, à gauche comme à droite, a été critiquée par le secteur de la distribution. Elle est jugée politique et ne prenant pas assez en compte les arguments économiques du rachat. Certains économistes ont estimé que la justification protectionniste du veto n'était pas suffisante. Comment expliquer, alors, la décision du gouvernement ?
Quand tout devient stratégique, plus rien ne l'est. - Emmanuel Combe
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La pandémie du Covid-19, avec les questions d'approvisionnement de masques, de tests et de vaccins, entre autres, a remis la question du protectionnisme sur le devant de la scène. Le secteur alimentaire a lui aussi joué un rôle clé dans cette pandémie : les grandes surfaces sont apparues, pendant les confinements, comme exerçant une mission de service public. En juin 2020, donc, 85% des Français estimaient que "la France gagnerait à relocaliser une partie de sa production industrielle et agroalimentaire". Or Carrefour, premier employé privé de France avec ses 100 000 salariés, fait figure de symbole dans le secteur, d'où le consensus politique qui est apparu au moment de son potentiel rachat.
Le problème de l'Europe n'est pas qu'elle est qu'elle a trop de concurrence, c'est qu'elle n'a pas de politique industrielle. - Emmanuel Combe
Le protectionnisme, cependant, s'accompagne de son lot de risques. Politiques, d'abord, puisqu'il s'accompagne parfois d'une rhétorique populiste. Economiques également, puisque l'autarcie est très risquée en cas de choc national et que les risques de représailles par les entreprises étrangères ne sont pas négligeables non plus. En outre, il n'est pas efficace de multiplier les secteurs protégés par l'Etat, puisque, d'après Emmanuel Combe, vice-président de l'Autorité de la concurrence, "quand tout est stratégique, plus rien ne l'est".
Comment, donc, protéger la souveraineté économique de la France tout en évitant les risques d'un protectionnisme trop agressif ? Comment conjuguer commerce international et sécurité pour l'industrie française ? Pour en parler, nous avons fait appel à Emmanuel Combe, économiste et professeur à Skema Business School, Cornelia Woll, professeure de science politique à Sciences Po et Christian Saint-Etienne, professeur titulaire de la chaire d'économie industrielle au Conservatoire National des Arts et Métiers.
La reconquête industrielle n'implique pas d'être présent sur toute la chaîne de valeur, mais d'être présent sur le maillon indispensable aux yeux des autres. Finalement, la souveraineté, c'est peut-être la dépendance choisie et non la dépendance subie. - Christian Saint-Etienne
Références sonores
- Interview de Bruno Le Maire sur BFM Business le 20 janvier 2021
- Discours de Joe Biden le 25 janvier 2021 (source : NBC News)
- Extrait d'une interview d'Agnès Pannier-Runacher du 20 juillet 2020 (source : RFI)
Références musicales
- « Everybody Wants To Rule The World » - Tears for Fears
- « C'est La Vie » - The Killers
L'équipe
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