Posséder la terre : une histoire de clôtures : épisode 1/3 du podcast Une économie de la propriété

Le mouvement des enclosures, qui a commencé au XVIe siècle en Angleterre, est emblématique de la « mise en propriété » et de ses conséquences sociales et économiques.
Le mouvement des enclosures, qui a commencé au XVIe siècle en Angleterre, est emblématique de la « mise en propriété » et de ses conséquences sociales et économiques. ©Getty - Heritage Images
Le mouvement des enclosures, qui a commencé au XVIe siècle en Angleterre, est emblématique de la « mise en propriété » et de ses conséquences sociales et économiques. ©Getty - Heritage Images
Le mouvement des enclosures, qui a commencé au XVIe siècle en Angleterre, est emblématique de la « mise en propriété » et de ses conséquences sociales et économiques. ©Getty - Heritage Images
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Dans l'histoire de l'appropriation de la terre par l'homme, souvent pour des raisons économiques, le mouvement des enclosures est, au XVIe siècle, la première révolution juridique, sociale et économique autour du droit de propriété.

Avec
  • Fabien Locher Historien des sciences, spécialiste de l'histoire environnementale, des sciences et des techniques
  • Gérard Béaur Historien de l’agriculture, directeur de recherches émérite à l’EHESS, membre du Centre de recherches historiques et spécialiste des sociétés agraires

Alors que le danger climatique est plus pressant que jamais, il est utile d’interroger les origines de l’appropriation de la nature par l’homme. Le premier bouleversement majeur dans l’histoire économique d’application du droit de propriété sur la nature se déroule outre-Manche dès le Moyen-Âge : c’est le mouvement des enclosures. D'abord spontané puis institutionnalisé, ce mouvement consiste en une privatisation massive des terres auparavant collectives, au détriment des salariés agricoles et des petits paysages propriétaires, dont ces privatisations entraîne la paupérisation.

Les enclosures ont été une catastrophe sociale : les petits paysans ont été privés de la capacité d’utiliser les espaces communs et ne pouvaient plus nourrir leur bétail. Ils ont perdu leurs terres parce qu’ils en ont été expulsés ou qu’ils les ont vendues alors qu’elles ne valaient plus rien. De plus, le bétail réclamait beaucoup moins de main d’œuvre que l’agriculture à l’époque donc les enclosures ont aussi privé les salariés agricoles de leur travail. - Gérard Béaur

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Aujourd’hui, le terme d’enclosure désigne, dans un sens large, des phénomènes de mise en propriété et s’applique aussi bien à la propriété intellectuelle. A l’origine, l’enclosure est un terme anglais désignant au sens strict une parcelle enclose d’un muret de pierres sèches ou d’une haie. Le phénomène des enclosures est souvent mal compris et l’historiographie de ces vingt dernières années s’est souvent repositionnée dans les débats sur ce sujet.

Pendant la Révolution française, il y a une opposition très forte entre une aile droite très attachée à la propriété et qui défend une monarchie à l’anglaise, pour simplifier, alors que la partie gauche est plus favorable à des mesures sociales et un pouvoir populaire affirmé. – Gérard Béaur

Le mouvement des enclosures, transposée ensuite en France au XVIIIe siècle, a eu des conséquences juridiques, sociales et économiques importantes. Bien que les débats existent encore sur son lien avec les révolutions agricole et industrielle anglaises, il est certain qu'il est un point de départ important dans l’histoire de la propriété et de la croissance économique, si bien que Karl Marx considère même ce bouleversement économique comme le point de départ du capitalisme.

Dès la monarchie de Juillet, des penseurs, même libéraux, expliquent que la forêt rend des services à la collectivité mais que celui qui s’en occupe n’obtient rien en retour. Il faut donc, selon eux, qu’un acteur extérieur comme l’État régule l’usage que l'on fait des forêts. –  Fabien Locher

L’émergence d’un droit de propriété absolu a-t-elle été un facteur déterminant des progrès agricoles enregistrés dans certaines parties de l’Europe ? Et que peut apporter les débats sur l’histoire de la propriété de la terre dans les discussions sur la menace climatique ? Peut-on laisser la gestion de la nature au bon vouloir des propriétaires ? Pour en parler, nous avons fait appel à Gérard Béaur, historien de l’agriculture, directeur de recherches émérite à l’EHESS, membre du Centre de recherches historiques et spécialiste des sociétés agraires et à Fabien Locher, historien de l’environnement et chargé de recherche au CNRS.

À réécouter : La nature et le Capital
Le Cours de l'histoire
52 min

Références sonores

  • Lecture d’un extrait du livre 1 de L’Utopie de Thomas More (1516)
  • Extrait du film Le jeune Karl Marx par Raoul Peck (2017)
  • Extrait du film Un Peuple et son roi de Pierre Schoeller (2017)

Références musicales

  • « La terre acquise » - Colette Magny
  • « Les Terres Sacrées » - Joseph D’Anvers

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