Alors que le 12 décembre prochain devrait se tenir un troisième référendum autour de l'indépendance de la Nouvelle-Calédonie, celui-ci met en avant différentes questions fondamentales autour de la viabilité économique de ce territoire et de sa relation diplomatique avec le reste de la France.
- Benoît Trépied Anthropologue, chargé de recherche au CNRS, spécialiste de la Nouvelle-Calédonie
- Vincent Geronimi Économiste, maître de conférences en économie à l’université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines (UVSQ) et professeur à Sciences-Po Paris
Quel que soit son résultat, le référendum du 12 décembre 2021 autour de l'indépendance de la Nouvelle-Calédonie est historique, étant donné qu'il apparait comme le point final des Accords de Nouméa. Ces Accords, signé à Matignon sous le gouvernement de Michel Rocard le 26 juin 1988 avaient alors permis de rétablir la paix civile entre loyalistes et indépendantistes, tout en ouvrant un processus de consultation au sein duquel la population locale va pouvoir se prononcer sur l'autodétermination du territoire calédonien.
Cependant, dans un contexte sanitaire dégradé, le maintien de ce référendum reste au coeur de nombreuses incertitudes.
Un territoire autonome où l'exploitation du nickel joue un rôle structurant dans ses dynamiques économiques
Alors que cette ile du Pacifique dispose, depuis 1998, de nombreuses compétences dans le domaine exécutif, législatif et administratif, notamment au niveau de la fiscalité et de la protection sociale, deux référendums organisés en novembre 2018 et octobre 2020 ont conduit à la victoire des partisans du maintien de la Nouvelle-Calédonie dans le giron français.
La question de "l'indépendance calédonienne" s'inscrit au cœur d'un territoire qui dispose d'un des PIB/habitant les plus importants du Pacifique, à l'exception de ceux de l'Australie et de la Nouvelle-Zélande. La principale ressource propre de la Nouvelle Calédonie reste l’exploitation du nickel, présent en abondance dans son sous-sol, qui, bien que représentant seulement 9% de son PIB, fait vivre toutefois 1/4 des emplois de l'ile. Alors que les besoins en nickel au sein de l'industrie métallurgique ne vont cesser de monter dans les années à venir, la Nouvelle Calédonie, 4ème producteur mondial de ce minerai, peut construire sa croissance économique et son développement futur autour de l'exploitation de cette ressource.
De nombreux défis économiques et sociaux
Cependant, l'économie calédonienne fait face à de nombreuses limites financières et sociales qui pèsent, d'un point de vue structurel, sur la viabilité de ses structures économiques. Alors que 38% de ses recettes budgétaires sont issues des transferts financiers venant de l'Hexagone, la Nouvelle-Calédonie est encore dépendante du reste de la France pour l'animation de son développement économique. Par ailleurs, l'ile n'est pas encore autonome d'un point de vue alimentaire, étant donné que le secteur primaire ne représente que 2% de son PIB. Les inégalités sociales sont aussi très marquées sur son territoire, notamment entre les populations kanaks et les populations d'origines européennes, qui bénéficient d'un accès privilégié à l'éducation et aux emplois qualifiés.
Si le "Oui" remporte le référendum de décembre prochain, marquant ainsi la fin du processus de décolonisation entamée en 1988, l'importance accrue des enjeux géostratégiques et géopolitiques au sein de l'espace indo-pacifique, dans un contexte de montée en puissance de la puissance chinoise, placerait la Nouvelle-Calédonie indépendante au coeur de défis structurels majeurs, notamment en vue d'assurer sa propre pérennité économique et politique dans le Pacifique.
Que se soit au niveau de l'exploitation du nickel, de la diversification de son système économique, de la pérennisation de son capital social, de ses dynamiques culturelles traditionnelles ou encore de sa stabilité monétaire, le référendum de décembre va permettre au "pays kanak" de s'interroger sur son avenir, qu'il reste français ou qu'il devienne proprement "calédonien".
Pour comprendre tous les enjeux économiques et diplomatiques qui entourent le référendum de décembre, nous avons le plaisir de recevoir Vincent Géronimi, Économiste, professeur des universités à l’université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines (UVSQ), Université Paris-Saclay et Benoit trépied, Anthropologue, chargé de recherche au CNRS, spécialiste de la Nouvelle-Calédonie.
Références sonores
- Michel Rocard sur les Accords de Matignon, France 2, 26 juin 1988
- Jean-Marie Tjibaou, leader du FLNKS, sur les Accords de Matignon, JT Nouvelle-Calédonie, 27 juin 1988
- La vie chère en Nouvelle-Calédonie, témoignage de deux Kanak et d’un bénévole du secours pop, AFP, 2018
Références musicales
Voix des rivages et des montagnes - Sofanyi Mwârögu (2010)
Funk aspirin - Cimafunk (2021)
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