La garde alternée

La garde alternée où l'heure de retrouver papa et de dire aurevoir à maman...
La garde alternée où l'heure de retrouver papa et de dire aurevoir à maman... ©Getty - © Westend61
La garde alternée où l'heure de retrouver papa et de dire aurevoir à maman... ©Getty - © Westend61
La garde alternée où l'heure de retrouver papa et de dire aurevoir à maman... ©Getty - © Westend61
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En France comme ailleurs, le nombre de divorces et de séparations ne cesse d’augmenter, et pourtant la « garde alternée » reste très minoritaire ne représentant que 12% des enfants de parents séparés. On sent encore une certaine résistance des juges aux affaires familiales à la décider.

Avec
  • Barbara Régent Avocate au barreau de Paris, spécialisée en droit de la famille.
  • Fabien Bacro Maître de conférences en psychologie du développement à l’université de Nantes

Tout d’abord, les juges estiment souvent que les jeunes enfants ont « besoin de maternage » et qu’il ne faut donc pas les séparer de leur mère. Cet argument, surtout valide les premières années, se double d’un autre : les enfants ont un besoin essentiel de stabilité. Ils ne doivent pas être éloignés de leur figure principale d’attachement ».
Les juges craignent que la garde alternée disperse l’enfant et lui fasse perdre ses repères fondamentaux. Mis bout à bout, ces deux arguments éloigneraient les pères – au début en raison de la présence de la mère puis ensuite au nom de la stabilité. D’autres juges estiment au contraire que l’alternance est un système simple, prévisible, qui permet aux enfants comme aux parents de se projeter dans l’avenir et de construire des projets fiables ».

Comment trancher ce débat ? Que nous apprennent les études scientifiques sur l’attachement en ce domaine ? Ne faut-il pas faire évoluer nos représentations collectives non seulement sur la garde alternée mais plus généralement sur la justice familiale qui devrait avoir à cœur d’installer un esprit plus collaboratif autour de l’intérêt de l’enfant, à sortir du « tout conflictuel » du côté des avocats en les formant notamment à des méthodes plus collaboratives ?

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Esprit de justice tente de répondre à ces questions en compagnie de Fabien Bacro, maître de conférences en psychologie du développement à l’université de Nantes, qui a conduit des recherches sur l’attachement de l’enfant et notamment une méta-analyse faisant le panorama de l’état des connaissances sur ces questions dans la littérature scientifique mondiale, et Barbara Régent, avocate au barreau de Paris, spécialisée en droit de la famille, auteure de nombreuses chroniques sur les évolutions jurisprudentielles sur la garde alternée ; elle a, en outre, récemment co-fondé « les avocats de la paix » pour promouvoir le rôle de l’avocat comme pacificateur des rapports sociaux, ce qui n’est pas sans lien avec notre sujet.

Barbara Régent "Ce qui est intéressant de dire et de préciser, c'est que l'on a toujours le sentiment que la résidence alternée, c'est une semaine chez l'un, une semaine chez l'autre, mais ce n'est pas du tout le cas. On peut avoir tout à fait une résidence alternée déséquilibrée, avec un temps de résidence de 60 % chez l'un, 40 % chez l'autre. [...] Pour que la résidence alternée fonctionne, il faut la réunion d'un certain nombre de critères, et le critère géographique est le critère principal."

Fabien Bacro "Il faut du temps à l'enfant pour développer de véritables liens avec chacun de ses parents. La fréquence et la durée des contacts avec l'un et l'autre parent est une condition essentielle, [...] d'autant plus quand on parle de jeunes enfants. Pour qu'il puisse construire des repères, il faut, surtout quand il est jeune, que l'enfant puisse être au contact de chacun de ses parents de façon régulière et avec une certaine durée."

L'Invité des Matins
16 min

Fabien Bacro "Le terme de maternage est un terme qui n'aurait plus lieu d'être ou qui devrait être revu pour trouver un terme plus adapté. Alors, on peut parler de parentage par exemple, car maternage, en fait, renvoie à une conception de la relation parent/enfant de l'attachement qui relève uniquement des mères ou des adultes de sexe féminin."

Barbara Régent "La société fait que les pères ont de plus en plus envie de s'impliquer auprès des enfants. Il faut leur laisser cette place, cette possibilité. Et puis, ce qui est important dans ce cheminement, me semble-t-il, c'est que les enfants soient aussi bien écoutés et entendus. Il y a beaucoup de parents qui me font cette réflexion que l'enfant a besoin de l'un et de l'autre."

Pour aller plus loin

Fabien Bacro "Le "temps de qualité", c'est du temps dans lequel le parent partage des activités avec l'enfant qui soient aussi diversifiées que possible. Le problème, lorsqu'un enfant se retrouve avec un droit de visite restreint avec le père, le plus souvent, c'est que ces temps, du coup, se limitent à des temps de loisirs, de sorties au restaurant. [...] Donc, on passe à côté de tous ces temps extrêmement importants pour le développement de l'enfant, qui sont les jeux, mais aussi les rituels du soir, du coucher... qui sont des temps extrêmement importants pour que la relation d'attachement puisse se développer convenablement."

Barbara Régent "Je pense que c'est très compliqué d'écouter réellement l'enfant de l'écouter et de l'entendre. Ça demande aussi à ce que le juge reprenne cette fonction. Malheureusement, il délègue de plus en plus, faute de temps. Donc, l'enfant est entendu par un tiers, et, on voit que, parfois, les questions peuvent être influencées. Il faut des techniques pour bien interroger un enfant. [...] Il faut trouver un équilibre entre les droits de l'enfant et le fait que sa parole ne soit pas influencée ou qu'elle devienne un enjeu stratégique dans le conflit, d'où l'intérêt des modes amiables."

Quelques références citées

Fabien Bacro "Avant toute chose, il convient de préciser qu'un conflit n'est pas forcément négatif, c'est-à-dire qu'un conflit peut être tout à fait structurant. [...] En fait, au-delà de la séparation ou du mode de résidence qui va être choisi par les parents, ce qui a les effets les plus délétères sur l'enfant, sur le développement de ses relations avec ses parents et sur son devenir, ce sont les conflits parentaux."

Barbara Régent "Une décision de justice, malheureusement, qui est mal perçue ou mal reçue, pour x raisons par l'un des parents, peut attiser les conflits. [...] Le juge a maintenant cette faculté d'ordonner une médiation après une décision de justice, soit pour qu'elle soit comprise, soit pour que les parents travaillent sur leur conflit."

Extraits musicaux

  • Morceau choisi par Barbara Régent : “ Un homme, mon héros” de RégenT.
  • Morceau choisi par Fabien Bacro : " Maman, papa" de Georges Brassens, interprétée par Georges Brassens et Patachou en 1952. Cette chanson est la première composition de Georges Brassens, écrite en 1943 au camp de Basdorf, et jamais interprétée sur scène avant 1952.