La rivière est-elle une personne (pour le droit) ?

Vue sur le fleuve Whanganui en Nouvelle-Zélande.
Vue sur le fleuve Whanganui en Nouvelle-Zélande.  ©Getty - © Michael Runkel
Vue sur le fleuve Whanganui en Nouvelle-Zélande. ©Getty - © Michael Runkel
Vue sur le fleuve Whanganui en Nouvelle-Zélande. ©Getty - © Michael Runkel
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Les éléments naturels peuvent-ils être considérés comme des personnes juridiques ? Quelle(s) voix pour les faire parler ? Comment les juger ? A travers le cas du fleuve Whanganui en Nouvelle Zélande, Esprit de justice questionne la place de la rivière dans l'oeil du droit.

Avec
  • Sacha Bourgeois-Gironde Professeur d’économie comportementale à l’université de Paris-2 et chercheur en sciences cognitives à l’institut Jean Nicot (ENS).
  • Pierre Brunet Juriste, professeur de droit public à l’université de Paris-1

En mars 2017, le parlement néozélandais adoptait une loi reconnaissant la personnalité juridique du fleuve Whanganui. Une telle décision, qui n’était pas sans précédents, a peut-être influencé les juges de la cour suprême de l’Uttarkhand indien qui, quelques jours après, déclaraient que le Gange et le fleuve Yamuna devaient être considérés comme des personnes juridiques vivantes. Il s’agit là d’un « événement juridique et philosophique majeur » dont nous feront saisir l’ampleur par Sacha Bourgeois-Gironde, professeur d’économie comportementale à l’université de Paris-2 et chercheur en sciences cognitives à l’institut Jean Nicod (ENS) qui vient de signer : Être la rivière. Comment le fleuve Whanganui est devenu une personne vivante selon la loi, (PUF 2020), et Pierre Brunet, professeur de droit public à l’université de Paris-1.

"Aujourd'hui, le processus (de reconnaissance de la personnalité juridique des rivières, ndlr) est quasiment lancé. En Colombie, notamment, vous avez un très grand nombre de rivières qui ont été qualifiées de personne juridique. Aujourd'hui, il y a un mouvement qui existe aussi en France et en Europe, avec la Seine, le Rhône, ou encore la Loire." Pierre Brunet

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"Il y a cette devise : 'Je suis la rivière et la rivière est moi', portée depuis les origines par les Maoris. Il y a un acte de transubstantiation, qui fait qu'il y a une identification extrêmement profonde et culturelle, héritée entre la rivière et ses riverains." Sacha Bourgeois-Gironde

"Quand on parle de la personne juridique d'un fleuve, on peut parfaitement considérer que cette personnalité n'a rien à voir avec la personnalité juridique humaine. Chez les juristes, il existe un concept de personnalité qui peut être considéré comme technique : il s'agit simplement de protéger et d'établir le statut juridique d'une entité naturelle ou non humaine, à travers l'idée que cette entité a des droits qui peuvent ne pas aller avec des devoirs." Pierre Brunet

"Dans ce contexte-là, il n'y a pas de différence fondamentale entre nature et culture, il n'y a pas, non plus, un rapport à la nature qui serait animiste et que le droit viendrait entériner. À mon sens, ce n'est pas de l'animisme, c'est autre chose de très particulier. C'est ce que les Maoris appellent une "généalogie" : ils se tiennent dans un rapport généalogique, ce sont leurs ancêtres et ils les protègent, ils sont dans un lien d'héritage par rapport à la rivière." Sacha Bourgeois-Gironde

"Évidemment, il faut des humains pour faire parler l'entité naturelle. Il y a de multiples systèmes possibles. On peut envisager des gardiens, comme c'est le cas en Nouvelle-Zélande, en Inde ou en Colombie. Le fleuve a comme droit, d'être maintenu dans son état, restauré, en cas de dommages, d'être porté vers une amélioration. Il faut parvenir à ce travail intellectuel : essayer de penser son bien-être en se propulsant dans l'avenir." Pierre Brunet

"Le travail que j'ai voulu faire à travers ce livre, était - certes – une première approche du droit, mais aussi une construction poétique du monde. Le droit peut être extrêmement poétique au sens propre du terme : il peut construire de nouveaux objets dans le monde, il peut changer le rapport à la nature, c'est ce que je vois dans cet acte de droit. Il y a une part d'imagination juridique et poétique qui est conjointe. Je ne pense pas que le droit soit simplement quelque chose qui étouffe la création ou la liberté." Sacha Bourgeois-Gironde

Pour en savoir plus

Travaux et références cités dans l'émission

Choix musicaux

  • Musique choisie par Sacha Bourgeois-Gironde : reconstitution du chant de l'oiseau Uya, disparu depuis 1907.
  • Musique choisie par Pierre Brunet : "Musica Ricercata" de György Ligeti, interprété par Pierre-Laurent Aimard - Album : "Ligeti : Etudes, Musica Ricercata" (1996) - Label : Sony Classical.

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