

Les multiples procès qu’engendre la pratique du tatouage - autour du droit de propriété des dessins effectués sur la peau, de la responsabilité du tatoueur pour un tatouage raté ou encore de la sécurité des encres utilisées - jettent une lumière particulière sur ce véritable phénomène de société.
En 2006, un Suisse, Tim Steiner, fut tatoué dans le dos par un artiste provocateur, Wim Delvoye, au terme d’un contrat qui obligeait l’homme-objet d’art à se mettre à disposition de l’artiste trois fois par an pour être exposé au musée ou en galerie en s’asseyant des heures sur un piédestal afin de se montrer comme œuvre. Sans compter qu’il faudra statuer sur le devenir de cette peau après le décès de son support corporel, cela pose de multiples questions : le sujet doit-il être autorisé à se livrer à cette sorte d’automutilation artistique ? Cela ne heurte-il pas le principe de la dignité humaine ? Rappelons que l’article 16 du Code civil dispose que : « La loi assure la primauté de la personne, interdit toute atteinte à la dignité de celle-ci « en ajoutant dans des articles suivants que « le corps humain, ses éléments et se produits ne peuvent faire l’objet d’un droit patrimonial ».
Ronan Bretel "Durant la période antique, le marquage corporel va avoir plusieurs buts : un but premier, ornemental mais aussi, éventuellement, des enjeux de santé, avec une idée de prophylaxie, voire un rôle de conjuration du mauvais sort. Mais, ça va surtout être une peine afflictive et infamante où la personne va porter sur elle la marque, soit de sa domination du fait de son rôle social, soit d'une sanction (judiciaire). En tout cas, il est très clair que dans les sociétés hellènes et romaines, le tatouage n'est pas un ornement qui est regardé comme une marque de différenciation socialement très valorisée."
Anne Chassagnol "A Rome, le tatouage passe du statut presque de bijou de peau au statut de marque infamante qui est souvent attribuée en place publique. C'est comme un châtiment, même un double châtiment puisque la marque reste à vie."
Le droit dans la peau sera donc l’objet de cette émission en compagnie d'Anne Chassagnol, maître de conférences à l’université de Paris 8, en arts visuels et littérature jeunesse anglophones. Co-directrice, avec Brigitte Friant-Kessler, maître de conférences en illustration et arts graphiques à l'Université Polytechnique Hauts de France, le programme international La Littérature dans la peau : tatouages, imaginaires, pratiques. Deux numéros (#4 et #5 en 2020) ont été publiés sur ce thème dans la Revue des sciences sociales et humaines sur les peaux, La Peaulogie. Elles préparent ensemble, actuellement, un ouvrage sur le droit et le tatouage dans la culture populaire, et de Ronan Bretel, ATER en droit privé à l’Université Paris II Panthéon-Assas, doctorant à l'Institut des Sciences Sociales du Politique de l'ENS Paris Saclay (Université Paris Saclay), juriste en droit de l'art de la culture et du patrimoine, il achève une thèse de doctorat intitulée "L'appréhension juridique du marché de l'art : entre jeu de marché et enjeux patrimoniaux". Ses recherches sur l'intérêt culturel en droit privé l'ont amené à travailler sur la circulation des restes humains dans le commerce des antiquités, et notamment la peau humaine tatouée.
Anne Chassagnol "Sous l'ancien Régime, et même à Rome, on peut presque parler d'une sorte d'alphabet (tatouage). Par exemple, on sait que les prostituées avaient une marque particulière, le V était pour voleur, le M pour mendiant, GAL pour galérien, TP pour travaux forcés, etc. Et le V devient un W. Effectivement, quand on récidive, donc, les lettres sont très signifiante."
Ronan Bretel "L'étymologie même du mot tatouage vient du tahitien "Tatau" qui veut dire marquer, dessiner, frapper, et qui a un rapport à la divinité. Ce mot va être francisé, notamment par le docteur Berchon, au retour du deuxième voyage de Cook, vers 1772, et on le retrouve dans le dictionnaire de l'Académie française à partir de 1798."
Pour aller plus loin
- Page d'Anne Chassagnol (site de l'Université Paris 8).
- Page du programme international La Littérature dans la peau : tatouages, imaginaires, pratiques co-dirigé par Anne Chassagnol et
- Brigitte Friant-Kessler. Deux numéros
- (#4 et #5 parus en 2020) ont été publiés sur ce thème dans la Revue des sciences sociales et humaines sur les peaux, La Peaulogie. (Revue en ligne et numéros sur papier par commande).
- Pages facebook, twitter, de Ronan Bretel et page sur sa thèse - en cours (site theses.fr).
- Page wikipédia du texte La colonie pénitentiaire de Kafka (cité pendant l'émission).
- Page wikipédia sur le roman La lettre écarlate de Nathaniel Hawthorne (cité pendant l'émission).
- Page wikipédia du roman Vareuse-Blanche de Herman Melville - 1850 (cité pendant l'émission).
- Page wikipédia du Ta Moko néo-zélandais (cité pendant l'émission).
- Page wikipédia de la nouvelle Peau (Skin) de Roald Dahl (cité pendant l'émission).
- Exposition Tatoueurs, tatoués présentée au Musée du Quai Branly de Mai 2014 à Octobre 2015.
- Article de David Le Breton Signes d'identité : tatouages, piercings, etc. - 2006 (site Cairn.info) (cité pendant l'émission).
Anne Chassagnol "La grande exposition qui a été organisée au Musée du Quai Branly (Tatoueurs, tatoués - 2014/2015), a véritablement révolutionné la façon dont on s'est interrogé, dont on a regardé le tatouage, parce que, non seulement on a exposé dans ce lieu des pratiques et des esthétiques différentes de plusieurs parties du globe, mais, on a aussi repensé la façon dont cet art était lié à un métier, le tatoueur. Et je pense que le regard sur le tatouage a changé à ce moment-là."
Extraits musicaux
Morceau choisi par Anne Chassagnol
"The Tattooed Bride" de et par Duke Ellington & his orchestra - Album : "Supreme Jazz - Duke Ellington" (1948) - Label : Sony Music.
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Morceau choisi par Ronan Bretel
"Tattoo" par le groupe The Who - Album : "The Who selle out" (1967) - Label : Polydor Records.
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