

Cette semaine, Esprit des Lieux vous emmène visiter un lieu où s'expriment toutes les passions. Le mythique stade Vélodrome à Marseille. Temple de l'Olympique de Marseille, le club de foot de la ville, mais surtout temple d'une identité, celle de la cité phocéenne.
- Thierry Agnello ancien journaliste sportif, coordinateur à la direction marketing & médias de l'Olympique de Marseille
- Patrick Fancello
- Christian Bromberger Professeur d'ethnologie à l'université de Provence, membre senior de l'Institut universitaire de France (chaire d'ethnologie générale)
- Médéric Gasquet-Cyrus
- Mourad Aerts Journaliste sportif
Dans ce numéro, nous vous emmenons dans un des lieux les plus éminents de la ville de Marseille. Le stade Vélodrome reflète aussi bien la diversité de la cité phocéenne que ses mutations en un siècle, du Front populaire à nos jours. L’histoire du stade est édifiante. Thierry Agnello, ancien journaliste sportif, nous fait visiter ce lieu mythique. Il raconte que le premier stade est inauguré en 1937 à l'occasion de la Coupe du monde 1938 organisé par la France. Son nom vient du fait, qu’à l’origine, une piste cycliste fait le tour de la pelouse. Dès la construction, l'Olympique de Marseille (OM) migre ici. Ce club, au départ omnisport, est fondé en 1899 par René Dufaure de Montmirail. Thierry Agnello rappelle aux auditeurs et auditrices que "les Marseillais ne disent pas qu’ils vont au stade mais qu’ils vont à l’OM" tellement ces entités sont associées.

Le stade est une première fois rénové pour le championnat d'Europe 1984, puis pour la Coupe du monde 1998 et enfin en 2016, date de la dernière rénovation pour l’Euro. Mourad Aerts, journaliste pour le football club de Marseille, ajoute qu’avant la rénovation de 2016, “le stade était ouvert au vent et à la pluie. Le mistral rendait les gens fadas. On a vraiment souffert." ajoute-t-il. "Aujourd'hui, la configuration est différente avec un écho très important. Grosse ambiance et grosse pression sur l’adversaire.“
Au stade Vélodrome, chaque groupe de supporters a sa place. Médéric Gasquet-Cyrus, linguiste, explique la répartition des supporters dans les tribunes par leur âge. "Quand vous êtes jeunes et que vous avez moins de moyens, vous allez dans les virages et quand vous êtes un peu plus installés dans la société, vous passez à la tribune Ganay et Jean-Bouin." Patrick Fancello, journaliste, indique les différents emplacements des groupes de supporters. À la partie haute du virage sud, il y a South Winners, un des groupes les plus importants, avec des bandes jaunes et rouges aux couleurs de la Provence. En bas du virage sud, il y a les Ultras, aussi appelé Commando Ultra 84, tout en bleu et blanc aux couleurs de Marseille. De l’autre côté, au virage nord, il y a les Fanatics, les Dodgers et d’autres groupes de supporters. Mourad Aertz, explique que "le virage, c’est là où on vit réellement ce qu’est l’OM : les chants, les odeurs de marijuana ou d’anis. […]. Si on veut vivre l’expérience du vélodrome, il faut aller en virage."

Christian Bromberger, ethnologue, prolonge en affirmant que “le coup de force des Ultras a été de retourner le regard vers eux.” Médéric Gasquet-Cyrus renchérit en expliquant que “Quand on vient au stade Vélodrome, on regarde autant le spectacle sur la pelouse, que dans les tribunes.” En effet, les tifos sont de très bons exemples de ce spectacle. L'objectif de ces animations visuelles, aux origines italiennes, est, ici, comme dans beaucoup d’autres stades, de remplir la tribune entière afin de former un motif évoquant les couleurs du club. Les groupes de supporters font aussi passer des messages, pour le club mais aussi des messages politiques. Comme nous l'enseigne Médéric Gasquet-Cyrus, suite à l’effondrement des immeubles rue d'Aubagne à Marseille, les supporters ont témoigné leur solidarité avec les familles touchées.

Le Vélodrome est donc un lieu de communion. Pour Christian Bromberger toutes les tentatives pour externaliser le stade en dehors de la ville ont échoué, car le Vélodrome fait partie intégrante de l’identité marseillaise. “Ce lieu évoque le ciment symbolique de cette ville, qui est tellement divisée entre des gens riches et des gens pauvres, entre des gens qui votent à l’extrême droite et d’autres qui votent à l’extrême gauche. Là, dans le stade, il y a un trait d’union qui n’existe pas dans le quotidien.” explique l’ethnologue. Le stade Vélodrome est, pour Médéric Gasquet-Cyrus “un lieu de rencontre entre les différents quartiers de la ville, et c’est un lieu de fusion, de communion, dans la mesure où tout Marseille vient vivre une expérience collective. […] On vient chercher de l’émotion et l’idée qu’on peut faire des choses ensemble. Ça ne veut pas dire que ce qui se passe dans les tribunes va résoudre tous les problèmes de chômage, de racisme, de discrimination, mais ça veut dire qu’on y croît. On chante : Qui ne saute pas n’est pas Marseillais."
L'équipe
- Production
- Collaboration
- Réalisation
- Maud YaïcheStagiaire