

Le procureur de la République antiterroriste Jean-François Ricard nous raconte comment les autorités judiciaires françaises viennent en soutien de la justice ukrainienne.
- Jean-François Ricard procureur de la République antiterroriste
Le procureur national Jean-François Ricard est déjà habitué des dossiers concernant des crimes contre l'humanité. Mais depuis plusieurs mois, le parquet national antiterroriste est chargé, en France, d'une nouvelle action judiciaire : enquêter sur des crimes de guerre. Le procureur travaille avec les autorités ukrainiennes pour constituer des dossiers sur des crimes de guerre commis depuis le début de l'invasion.
Un parquet, deux missions
En mars 2019, la loi a créé un Parquet national antiterroriste. "Un parquet avec une double raison d'être et qui devrait s'appeler "parquet en charge des affaires de terrorisme et des affaires de crimes contre l'humanité"", souligne le procureur Jean-François Ricard.
Un parquet donc, qui devait répondre aux exigences de mise à niveau sur le plan judiciaire dans la lutte contre le terrorisme, "notamment après la terrible année 2015".
Mais concernant les crimes contre l'humanité aussi, il fallait des évolutions. "Depuis une quinzaine d'années, un dispositif existait, prévu uniquement au départ pour les affaires liées au génocide au Rwanda, et là encore, le dispositif ne convenait plus à la situation. Il fallait lui donner une autre ampleur", explique le procureur.
Un parquet aux côtés de la justice ukrainienne
Depuis le début de l'invasion, la justice française a ouvert plusieurs enquêtes en appuis de son homologue ukrainienne. Le parquet antiterroriste en a la charge. "Un petit rappel sur notre compétence : le pôle en charge des crimes contre l'humanité, crimes de guerre... a environ 180 dossiers en cours. Un peu plus de la moitié sont en cours d'instruction. Ils concernent environ une trentaine de zones. Initialement, le Rwanda était le seul sujet ou presque. Puis la Syrie s'est invitée... et maintenant, l'Ukraine."
En ce qui concerne ces enquêtes, le plus souvent, elles étaient déclenché des années après les faits, et que les preuves sur le terrain n'étaient plus très nombreuses, et on disposait avant tout de témoignage, explique le procureur. "Et puis il y a eu des évolutions. La Syrie, par exemple a permis de mettre en place des mécanismes au plus près de l'action. L'Ukraine nous donne l'occasion d'aller encore plus loin et d'agir quasiment en temps réel". Sept dossiers ont ainsi été ouvert depuis un an, fondé sur une compétence bien précise : des victimes françaises à l'étranger.
Mais le parquet peut agir sur la base d'autres compétences explique Jean-François Ricard. "Deux autres critères nous permettraient de nous saisir d'autres dossiers. Il y a la participation possible de Français à des exactions réalisées en Ukraine. Des personnes qui se seraient engagées dans des groupes paramilitaires dans le Donbass par exemple, et nous scrutons ce genre de possibilités avec vigilance".
"Enfin, concernant les crimes de guerre, comme pour les crimes contre l'humanité nous sommes compétents également pur des ressortissants non-français, qui s'installeraient en France et qui auraient participé à des crimes de guerre, ou à d'autres exactions comme des disparitions forcées."
Enquêter en Ukraine
Un dossier de crime de guerre, c'est un dossier à long terme, explique le procureur, qui s'est rendu en Ukraine pour des enquêtes. "Dans un premier temps, il faut aller sur la scène de crime. En lien avec le parquet ukrainien bien évidemment." Sur place, le procureur a découvert de nouvelles réalités. L'ère du numérique change les choses. "Les citoyens sont des témoins. Les habitants filment avec leur téléphone, ils sont des témoins pro-actifs. Quand j'étais en Ukraine, les personnes venaient nous voir et nous disaient "On a des photos".
Et malgré la charge énorme de dizaines de milliers d'enquêtes en cours, les autorités ukrainiennes se sont engagées à prendre en charge toutes les auditions de tous ces témoins, de réunir toutes ces preuves numériques..."
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