L'usage croissant de l'algospeak

Algospeak
Algospeak ©AFP - Lionel Bonaventure
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Les internautes déploient de nombreuses parades. L’une d’entre elles, raconte un article du "Washington Post", s’appelle l’algospeak.

On le sait : sur TikTok, Facebook, Twitter, d’autres réseaux, l’expression n’est pas libre, transparente. Elle est organisée par la modération, régentée par des algorithmes, qui relèguent certains sujets à des rangs moins visibles et en censurent d’autres. Un sujet qui précède largement les pseudo-promesses du nouveau futur patron de Twitter : Elon Musk.

Et Maintenant ? Les internautes déploient de nombreuses parades. L’une d’entre elles, raconte un article du Washington Post s’appelle l’algospeak. Un langage Aésopien, selon son autrice, en référence au poète antique, qui contournait les entraves par l’ingéniosité du langage et des intrigues. Qui consiste à modifier le langage, à remplacer des caractères, des mots, des expressions, pour contourner les règles algorithmiques. Ainsi remplace-t-on "viol" par "v-i-0-l". On écrit "dépression" en substituant les deux "ss" par deux "$$". On s’accorde pour ne pas évoquer "les travailleurs du sexe", mais utiliser le nom de code de "les comptables". Olivier Tesquet, journaliste à Télérama, spécialiste des questions numériques, auteur d’un ouvrage intitulé L’État d’urgence technologique, paru chez Premier parallèle, nous explique le principe sous-jacent à l’algospeak.

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Alors bien sûr, ce langage trafiqué, ces noms de code, ont toujours existé pour contourner la censure. Thomas More en parlait à propos de la répression des catholiques, Lev Loseff des écrivains soviétiques. Non, la nouveauté, c’est l’ampleur, et la diversité des sujets abordés. Pour rendre plus visibles certains enjeux : je pense à certains liés aux personnes LGBT. Pour se confier, demander de l’aide, expliquer ce que l’on traverse, quand on ne le peut pas : je pense à la dépression, aux pulsions suicidaires. Aussi, bien sûr, pour aligner plus facilement des propos racistes, antisémites, qui franchissent là les limites tracées par la loi.

Mais également pour refuser de donner de la visibilité à certaines personnes : durant la campagne présidentielle, beaucoup d’internautes remplaçaient ainsi certaines lettres du nom de Zemmour par des astérisques pour éviter de le mettre dans la lumière. Olivier Tesquet nous explique pourquoi ce langage augmenté est apparu sur TikTok, alors que ce réseau est pourtant celui, avant tout, de la vidéo.

Alors face à cela, comment réagissent les plateformes ? On imagine bien que si vous et moi comprenons les codes mis en place, les plateformes parviennent à l’intégrer aussi.

Instagram et Facebook avaient ainsi banni certains émojis de leur réseau : l’utilisation de l’aubergine, par exemple, dont la forme phallique est employée pour évoquer le sexe masculin. Alors on comprend bien sûr que les plateformes, dont les utilisateurs sont souvent jeunes, cherchent à encadrer ce qui se dit. C’est nécessaire : parfois pour les protéger ; pour qu’ils respectent aussi le cadre fixé par la loi. Mais à régenter, à policer le discours, à censurer ou viser certains mots, les plateformes s’engagent dans un jeu et une histoire sans fin. Qui risque de devenir, d’abord, l’histoire d’un grand contournement.

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