Vers l'âge de la maintenance

Maintenance
Maintenance ©AFP - STR
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En Suède, depuis 2017, une disposition fiscale permet de réduire de moitié le coût de l’embauche de personnel pour réparer un appareil. Le résultat est net : rien que pour l’électroménager, les réparations ont bondi de 16 % en 2020.

L’innovation est le mantra des entreprises, la raison d’être des entrepreneurs, l’injonction transmise aux travailleurs. Une valeur à part entière, promue par les discours politiques et la parole présidentielle. Innovez, en tout : dans la technique, dans les façons de penser, de voir et de vous organiser, créez de la rupture, de la disruption, de l’inédit. Innovez jusqu’à satiété : car tel est le moteur du progrès… ou plutôt, de la nouveauté apparente, de l’accumulation sans fin, du sentiment de mouvement.

De l'innovation à la maintenance ?

Et Maintenant ? Essoufflés et frustrés, peut-être nous dirigeons-nous, à pas lents et discrets, vers l’âge de la maintenance. Un âge où les actions de dépannage et de réparation, de révision, de préservation, prendraient le dessus sur celles de remplacement continu, de consommation éperdue. Blaise Mao, rédacteur en chef de la revue Usbek et Rica a coordonné pour ce merveilleux trimestriel un dossier intitulé : "Et si on arrêtait d’innover ? Bienvenue dans l’âge de la maintenance". Il nous explique comment nous pourrions basculer du paradigme de l’innovation à celui de la maintenance.

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Comme le rappelait Philippe Bihouix dans une interview au Figaro, au cours de l’histoire longue, "l’essentiel de l’activité intellectuelle des humains a consisté à reproduire exactement à l’identique ce que faisaient leurs ancêtres. L’homme est un coopérateur et un imitateur-né, bien avant d’être un innovateur". Pourtant, rien de moins naturel, de moins évident aujourd’hui que de ne pas consommer, et donc maintenir. Pour y parvenir, le dossier d’Usbek et Rica suggère une double révolution. 

Juridique, d’abord : donner aux routes, aux ponts, aux objets et aux infrastructures qui s’usent des droits juridiques. Idée saugrenue ? Certains fleuves, certains éléments de la nature à travers le monde ont bien été reconnus comme personnalité juridique. Le but, s’agissant des infrastructures : autoriser des collectifs d’humains à plaider pour leur entretien et leur maintenance. Dans le même temps, il s’agit de mener une autre révolution : celle-ci, organisationnelle.

En Suède, depuis 2017, une disposition fiscale permet de réduire de moitié le coût de l’embauche de personnel pour réparer un appareil. Le résultat est net : rien que pour l’électroménager, les réparations ont bondi de 16 % en 2020. Pourtant, une question demeure. Défendre le statuquo, l’état des choses, le on-ne-bouge-plus. Préserver vaille que vaille ce qui a été conçu par les générations passées ou par les fabricants d’hier. N’est-ce pas être réactionnaire ? A minima : conservateur ? 

Et en effet : l’âge de la maintenance ne veut pas lutter contre l’innovation. Les vaccins contre le Covid-19 montrent bien que certaines innovations ont encore le pouvoir de sauver des vies, d’améliorer notre condition, de tracter le progrès. Bien d’autres innovations ont aujourd’hui ces fonctions !

Non, ce contre quoi le nouvel âge de la maintenance veut lutter, c’est contre la primauté, la prééminence de l’innovation ; contre les innovations, aussi, qui ne servent que ceux qui les vendent. En miroir, la maintenance peut viser une noble fin : déprogrammer l’obsolescence et tenter de maintenir, maintenir ce qui est, ce qui existe, ce qui fonctionne, ce qui vit. Pour transmettre un monde et un environnement… en état de marche.

Les Nouvelles de l'éco
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