Alors que vient de sortir "Le consentement" de Vanessa Springora (Grasset), livre dans lequel elle relate sa relation avec l'écrivain Gabriel Matzneff à l'âge de 14 ans, Etre et savoir s'interroge : comment apprendre aux enfants à repérer les situations à risque et à rompre le silence?
- Gabrielle Tuloup Professeure de Lettres en Seine-Saint-Denis, championne de France de Slam en 2010.
- Mélanie Dupont Psychologue à l’Unité médico-judiciaire de l’Hôtel-Dieu, présidente de l’association Centre de Victimologie pour Mineurs.
- Sébastien Brochot Préventeur et formateur au CRIAVS (Centre ressources pour intervenants auprès d’auteurs de violences sexuelles) d’île-de-France.
- Delphine Saulière Rédactrice en chef de "J'aime Lire"
Demain, 13 janvier, s’ouvre à Lyon le procès du père Prénat, l’ancien aumônier scout sera jugé pour "atteintes sexuelles sur des mineurs de moins de 15 ans commises par une personne ayant autorité"– affaire à laquelle François Ozon a consacré le film Grace à Dieu.
Ce procès arrive à un moment où le sujet fait la une, depuis l’annonce même la parution du livre de Vanessa Springora, Le consentement, et la remise en cause de l’indifférence ou de la bienveillance longtemps accordées par certains à Gabriel Matzneff.
Et c’est ce qui nous amène à nous interroger aujourd'hui sur la manière dont nous parlons de pédocriminalité à la fois dans la société mais aussi dans le cercle familial ou à l’école, quand les enfants posent des questions ou dans l’optique de les protéger des agressions sexuelles.
La prédation, les dangers que peuvent courir les enfants, c’est déjà le sujet du Petit Chaperon rouge… Avec nos invités nous allons évoquer le rôle des contes et des livres jeunesse pour aborder ces questions.
Mais l’affaire Matzneff, comme d’autres, nous montre que parler et savoir ne suffit pas pour que les victimes soient protégées. C’est par exemple notre manière d’écouter les enfants, les stéréotypes sur les agresseurs sexuels et la vision de ce qui constitue une atteinte sexuelle ou un véritable consentement qui doivent, et ce profondément, changer… Et amener un véritable travail collectif d’éducation.
Avec :
- Delphine Saulière, directrice des magazines enfance à Bayard Jeunesse, co-auteure avec Gwenaëlle Boulet du livret Stop aux violences sexuelles faites aux enfants et de Le petit livre pour dire stop aux violences sexuelles faites aux enfants (Bayard, 2019, nouvelle édition).
Ce qu'il était intéressant pour nous de travailler, c'était de se demander quels sont les signaux d'alerte qu'on peut faire clignoter devant les yeux des enfants pour qu'ils se disent, ça ce n'est pas normal.
Aujourd'hui on estime qu'il y a à peu près 200000 enfants qui seraient victimes chaque année de violences sexuelles, toutes confondues.
Le support d'un ouvrage est très bénéfique, le parent n'est pas tout seul.
- Sébastien Brochot, préventeur et formateur au CRIAVS (Centre ressources pour intervenants auprès d’auteurs de violences sexuelles) d’île-de-France.
L'apprentissage du consentement fonctionne dans les deux sens. Effectivement l'enfant doit apprendre que les gens n'on pas à rentrer dans son espace d'intimité, mais il doit aussi apprendre cette frustration qui consiste à dire que l'autre n'est pas à notre service et qu'on n'est pas tout puissant.
Il y a un dernier tabou aujourd'hui c'est la femme auteure de violences sexuelles, la femme aussi agresse.
Le consentement ce n'est pas le viol, les agressions sexuelles, le consentement c'est la vie de tous les jours.
- Mélanie Dupont, psychologue à l’Unité médico-judiciaire de l’Hôtel-Dieu, présidente de l’association Centre de Victimologie pour Mineurs ( CVM).
Il faut mettre les pieds dans le plat mais avec un langage tout à fait adapté. On ne va pas s'adresser de la même manière à un enfant de cinq, six ans, qu'à un adolescent de 14 ans.
C'est de ça qu'il faut parler, de cette question de la relation à l'autre. Depuis tout petit, cela fait partie des accidents de la vie.
Les parents ont une assez bonne représentation de ce que sont les violences sexuelles, par contre ils ne mettent pas en place les comportements adaptés, parce qu'ils gardent en tête que leur enfant est moins à risque que les autres.
- Gabrielle Tuloup, professeure de Lettres en Seine-Saint-Denis, championne de France de Slam en 2010 et auteure notamment de Sauf que c'étaient des enfants (Philippe Rey, 02/01/20).
Moi je ne reçois jamais une parole qui est directe comme celle que reçoivent les associations, je reçois une parole qui a pour caisse de résonance un texte.
Finalement être victime c'est toujours une question d'interprétation. De la part de la personne qui va recevoir la parole, mais aussi pour soi en tant que victime : est-ce que ce que j'ai vécu fait de moi une victime, est-ce que je suis subjective ou objective?
Les paroles les plus crues, les plus directes que j'ai pu recevoir c'était hors cours. Finalement je distingue deux paroles : celle qui est la réponse à ce que le professeur attend, et un discours de femme à jeune fille qui peut à côté se libérer.
Lien vers l'article de Maïa Mazaurette Il faut parler de pédophilie (mais sans cliché) dans Le Monde du 05/01/20.
Lien vers le site du dispositif Pedohelp.
Lien vers le site de l'Association Stop aux violences sexuelles.
Lien vers le site consentement.info.
Retrouvez la bande-annonce du film Les chatouilles d'Andréa Bescond et Eric Métayer (Les films du Kiosque, 2018).
Retrouvez le documentaire L'enfance abusée d'Eric Gueret (Morgan productions, 2018).
Retrouvez la bande-annonce du film Grâce à Dieu de François Ozon (Mars Films, 2019).
Retrouvez la bande-annonce du film Le nom des gens de Michel Leclerc (Karé productions , 2010).
Illustrations sonores :
- Reportage au CRIAVS d'île-de-France avec Sébastien Brochot, préventeur et formateur, Walter Albardier, médecin psychiatre, et Alice Chenu, psychologue et sexologue.
- La chanson du consentement.
- Dodo, Stromae (2010).
- Extrait d'A voix nue avec Gabriel Matzneff sur France Culture (1990, Archive Ina).
- Je sais pas danser, Pomme (2016).
Pour aller plus loin :
La leçon de choses de Sophie Bober :
Avec l'auteur et illustrateur Jacques Ferrandez, dont le livre Le Chant du monde, d'après l'oeuvre de Jean Giono vient de paraitre (Gallimard Jeunesse) - à l'occasion de "2020, année Giono".
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