

Alors que Noël approche Etre et savoir interroge l'impact de la société de consommation sur les jeunes : pourquoi consomment-ils et comment, quelle part d'émotion guide leurs achats, et comment leur donner les clefs pour bien consommer ?
- Pascale Ezan Professeure des universités en sciences de gestion (Université le Havre Normandie)
- Guillemette Faure Chroniqueuse Le Monde M
- Florent Bussy Professeur de philosophie en lycée
- Marie-Rose Moro Psychiatre pour enfants et adolescents, psychanalyste, directrice de la maison de Solenn et professeure à l'université Paris-Descartes
Noël, fête des enfants mais aussi fête des achats…. Alors comment expliquer la consommation aux plus jeunes ?
La consommation s’est imposée en cette fin d’année comme un important sujet d’actualité, entre l’immense succès commercial du "black Friday" dont tout le monde semble avoir fait comme si on en avait entendu parler depuis toujours, et la réouverture des magasins en décembre afin que les commerces puissent tourner en cette période intense en matière d’achats en tous genres.
Alors que les magasins sont accessibles et les musées et salles de spectacles fermés nous nous demanderons en quoi la consommation peut-être vécue comme un loisir, une sortie. Et puis acheter est une pratique qui, si elle n’est pas culturelle, s’inscrit dans un jeu de symboles et de représentations pensés depuis longtemps par les intellectuels, on peut évoquer Barthes ou Baudrillard, ou encore des écrivains (Georges Pérec, Annie Ernaux sont les noms qui me viennent), quand aujourd’hui ce sont les spécialistes du cerveau et de la psychologie qui étudient le comportement du consommateur et ce dès le berceau.
Quel discours donc tenir aux enfants et adolescents sur la consommation ? En parler en mal peut sembler compliqué ou du moins hypocrite pour des parents qui aiment eux-mêmes faire les boutiques ou acheter en ligne… Et pour ceux qui donneraient davantage dans le style Amish, rien ne dit que cela empêche l’émergence d’un furieux désir de marques, de possession et de cadeaux de Noël chez leurs rejetons, qu’ils croient ou non au Père Noël (mais c’est encore plus compliqué quand ils y croient!).
Alors même s’il est difficile de se raisonner ou de tempérer son entourage, cette envie de posséder se révèle à notre sens un magnifique sujet de réflexion éducatif, pour expliquer aux enfants comment le marketing, la publicité et les modes attisent nos désirs et pour réfléchir à l’importance des "choses" dans nos vies. Nous en parlerons avec Guillemette Faure, journaliste, chroniqueuse pour M le magazine du Monde, Pascale Ezan, professeure des universités en sciences de gestion (Université le Havre Normandie), Marie-Rose Moro, psychiatre pour enfants et adolescents, psychanalyste, directrice de La maison de Solenn et le professeur de philosophie Florent Bussy (court entretien pré-enregistré).
Acheter, un acte individuel et collectif
Selon Pascale Ezan la dimension sociale est très importante pour essayer de comprendre la consommation.
Pour les ados acheter ce n’est pas seulement un acte individuel c’est aussi un acte collectif, comparatif, générationnel. Marie Rose Moro
Regarder les autres consommer c’est aussi une manière de se créer des envies. Pascale Ezan
Eduquer
L’éducation à la consommation passe par une éducation individuelle mais aussi par une réflexion collective, rappelle Pascale Ezan.
Aujourd’hui on apprend aux enfants à être des citoyens mais il il n'y a rien pour leur apprendre à être consommateur. Guillemette Faure
Pour moi le vide grenier c’est l’endroit où on se rend compte de la surconsommation, de comment les objets perdent de la valeur. Guillemette Faure
L’idée n’était pas de faire la morale, car la morale ça ne marche pas, c’était de montrer des adultes qui se trompent aussi. Guillemette Faure
Il ne s'agit pas de dire qu’il ne faut pas consommer mais qu’il faut reprendre la main et que nous sommes aux commandes, et pas les promotions. Guillemette Faure
Des adolescents critiques
Les adolescents sont sans doute plus critiques que les adultes sur les pulsions acheteuses explique Marie-Rose Moro.
On sent chez les ados une sorte de tiraillement, une très bonne connaissance des techniques marketings et en même temps un fort attrait pour les marques qui servent à s’identifier à un groupe ou à se distinguer. Pascale Ezan
Je note chez nos jeunes une préoccupation nouvelle, ils font preuve d’un souci écologique incontestable même si ça ne les empêche pas de consommer. Il savent qu’ils sont des consommateurs et ils savent qu’ils sont amenés à devenir des citoyens, ils se posent donc la question de la connexion possible entre les deux. Florent Bussy
Vertige de l’illimité
Aujourd’hui consommer c’est acheter partout dans le monde comme si on allait à la boulangerie du coin, il y a une logique d’illimitation selon Florent Bussy.
La question de la nourriture est un parallèle intéressant car à l’adolescence on apprend à réguler ses envies comme c'est le cas pour les repas. Marie Rose Moro
Cette société de surconsommation est fondée sur une perpetuelle provocation du manque, sur le principe de l’insatisfaction entretenue. Florent Bussy
Ce qui nous choque aujourd’hui avec le Black Friday nous a choqué autrefois avec la Saint-Valentin. Guillemette Faure
Des enfants prescripteurs
Comme l'explique Pascale Ezan, Les enfants deviennent très vitre des acteurs à part entière en matière de marketing.
Avant deux ans on s’adresse aux parents, après deux ans les enfants deviennent des acteurs à part entière du marketing, car il savent reconnaitre des logos. Pascale Ezan
Les enfants sont prescripteurs très tôt mais la juste dimension du prix intervient relativement tard, vers 11/12 ans. Pascale Ezan
Illustrations sonores :
- All I want for christmas is you, Mariah Carey (1994).
- Archive Georges Perec sur Les choses (1965).
- Placements de produit, Squeezie et Maxenss (2017).
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