Alors que l'article 3 de la loi "Pour une école de la confiance" de Jean-Michel Blanquer impose dès cette rentrée l'affichage des drapeaux français et européen ainsi que des paroles de l'hymne national dans les classe, Être et savoir s'interroge : l'école doit-elle construire le sentiment national?
- Olivier Loubes Historien, professeur en classe préparatoire au Lycée Saint-Sernin de Toulouse
- Isabelle Rocca Présidente de la FCPE Paris
- Sophie Duchesne Politiste, directrice de recherche au CNRS à l’Institut des Sciences Politiques à Nanterre (ISP)
Avez-vous, enfant, passé du temps à regarder les murs pendant les leçons et les exercices… laissé votre regard se poser sur des tableaux de conjugaisons, des cartes, des affiches, ou le marronnier de la cour ? Cela constitue aussi une expérience de la vie des élèves mais ce n’est pas seulement pour cela que le changement à venir dans l’habillage des classes nous parait important… En effet, à partir de la rentrée 2019, les élèves français verront les paroles de la Marseillaise et le drapeau bleu blanc rouge dans chaque salle de classe, car la nouvelle loi du ministre de l'éducation nationale Jean-Michel Blanquer, "Pour une école de la confiance", promulguée le 28 juillet dernier, a rendu cet affichage obligatoire. Ainsi, les enfants pourront lire et lire en entier le texte de l’hymne national (et demandez-vous au passage si vous le connaissez vraiment).
En juin dernier on a également beaucoup vu les jeunes volontaires du service national universel devant des drapeaux et chantant la marseillaise. Le journal Les Echos nous apprenait d'ailleurs cette semaine que le SNU, qui sera obligatoire en 2024 voire dès 2023, devrait concerner 400.000 jeunes en 2022, dont certains tirés au sort.
Alors, que signifie ce regain de signes, symboles et messages destinés à l’enfance et la jeunesse ? S’agit-il de connaître l’histoire de la République et/ou de forger, à travers des institutions collectives, l’attachement à la France ? D’ailleurs de quoi parle-t-on ? République, pays, nation ? Car ces termes n’ont pas le même sens pour tous. Nos enfants manquent-ils de connaissances sur le sujet et d’éducation civique alors que tous les ministres de l’éducation ont cherché à la relancer ? Et finalement, le sentiment national ne se construit-il pas ailleurs ?
Mais, comme l’affirmait l’historien Georges Duby, il faut observer très attentivement l’institution scolaire. Ce qui s’y modifie "retentit sur le corps social de manière décisive et, plus que l’on croit, prolongée. Produit de l’histoire, l’école est facteur d’histoire".
Avec :
- Olivier Loubes (en duplex depuis Toulouse), historien, auteur notamment de L’école, l’identité, la nation (Belin, 2017).
On est beaucoup plus ancré dans la nation aujourd'hui qu'on ne l'était dans ma jeunesse.
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Il faut apprendre la nation aux enfants, mais il faut toujours demander aux pouvoirs en question de quelle France, de quelle nation ils parlent.
On est dans un pays dans lequel les valeurs sont souvent dissensuelles, Olivier Loubes.
- Isabelle Rocca, présidente FCPE de Paris.
Cette réforme ne constitue pas une politique éducative qui va réduire les inégalités scolaires, c'est un paravent, de l'affichage.
On l'a vu ces derniers temps dans l'actualité, avec les lycéens et même les collégiens dans la rue, les jeunes se pensent au-delà des frontières nationales, comme citoyens du monde.
Il faut peut-être arrêter d'enseigner l'histoire comme un récit qui est encore très linéaire, il faudrait plutôt faire de la sociologique historique, Isabelle Rocca.
- Sophie Duchesne, politiste, directrice de recherche au CNRS et à Sciences Po Bordeaux, elle a coordonné la traduction du livre de Michael Billig, Le nationalisme banal (PUL 2019).
Les enfants aiment déjà la France. Le problème c'est qu'il y a des enfants à qui on dit qu'ils n'appartiennent pas à cette nation alors qu'ils l'aiment.
Les difficultés qu'on rencontre aujourd'hui, la transition écologique, les migrations, les inégalités, ne sont pas des problèmes d'identité nationale, elles doivent être traitées au niveau mondial.
Ce qui est très fort aujourd'hui c'est cette croyance que l'appartenance nationale est une identité, Sophie Duchesne.
Illustrations sonores :
- Aux armes et caetera, Serge Gainsbourg, 1979.
- All you need is love, The Beatles, 1967.
- Quitte à t'aimer, Ocus Pocus, 2007.
- Extrait du documentaire La fabuleuse histoire de l'école, diffusé sur France 2 le 27 août.
Retrouvez l'article Un berceau bleu, blanc, rouge : le nationalisme ordinaire et l'enfance, de Katharine Throssell (Raisons politiques 2010/1, n°37).
Retrouvez l'article des Echos du 28/08 : Service national universel : le gouvernement visse 400.000 jeunes en 2022.
Pour aller plus loin :
La leçon de choses de Sophie Bober :
Avec la chanteuse et musicienne Catherine Ringer, qui chante Les Rita Mitsouko à la Philarmonie de Paris les 28 et 29 septembre, avant de partir pour une nouvelle tournée de concerts, du 21 septembre au Luxembourg au 19 décembre à Tel Aviv.
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