Jouer à la guerre

Jouer à la guerre : pourquoi, comment ?
Jouer à la guerre : pourquoi, comment ? ©Getty -  Donald Iain Smith
Jouer à la guerre : pourquoi, comment ? ©Getty - Donald Iain Smith
Jouer à la guerre : pourquoi, comment ? ©Getty - Donald Iain Smith
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Du soldat de plomb à Fortnite, quelles causes et quels effets ont les jeux de guerre sur les enfants ? Jouer à la guerre incite-t-il à la violence ou au contraire cela a-t-il un effet cathartique ?

Avec
  • Catherine Watine Psychologue de formation et ludologue, présidente de l'Association A l'adresse du jeu
  • Julien Annart Ancien professeur en détachement à la fédération belge des associations de jeunesse sur le sujet des jeux vidéo
  • Philippe Watrelot professeur de sciences économiques et sociales au lycée Jean-Baptiste Corot à Savigny-sur-Orge (Essonne), formateur à l’ESPE, École supérieure du professorat et de l'éducation, de Paris
  • Antoine Bourguilleau Musicien

Bientôt le 11 novembre, jour où la Nation rend hommage aux soldats à travers le soldat inconnu et à l'occcasion duquel l’écrivain Maurice Genevoix, auteur de Ceux de 14, fera cette année son entrée au Panthéon. Alors ce n’est pas la guerre qu’on célèbrera mercredi évidemment, c’est sa fin… Mais ce qui va nous interroger dans cette émission c’est la présence de la guerre, des armes factices et des conflits dans les jeux des enfants.

Enfin, des enfants mais aussi des adolescents et même des adultes, à travers des jouets mais également des jeux comme le paint ball et autres laser games, ou même des jeux de plateau : tout le monde connait les échecs mais la créativité en la matière est très importante. Au travers encore des jeux vidéo, qui mettent en scène batailles et combats : vous connaissez peut-être des enfants qui jouent à Fortnite (c’est mon cas) ou des adolescents et des adultes qui s’adonnent à Call of duty ou World of Warcraft…. Attention, ne comptez pas sur moi pour jouer les expertes en la matière… Et c’est d’ailleurs peut-être mon genre qui m’a tenue éloignée de ces jeux vidéo-là, cela fera évidemment l’objet de questionnements ce soir.

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Et puis nous nous demanderons à quoi servent ces jeux belliqueux dans la construction des enfants : canalisent-ils les instincts agressifs ou au contraire les cultivent-ils ? Pourquoi plaisent-ils toujours autant aux plus jeunes, et à bien des adultes, et comment se réinventent-ils aujourd’hui ? Pour y répondre nous avons convié l'historien, journaliste et traducteur Antoine Bourguilleau, auteur de Jouer à la guerre (éditions Passés composés, 2020), la ludologue Catherine Watine, présidente de l'association A l'adresse du jeu qui gère 5 ludothèques en Ile-de-France, et Julien Annart, très éclairant spécialiste du jeu vidéo, qui nous expliquera par exemple quels sont les liens entre le jeu vidéo guerrier et la guerre réelle, c’est particulièrement instructif.

Le jeu, à tous les âges 

Comme le rappelle Catherine Watine, il n'y a pas d'âge pour jouer.

Il y a cette idée que ce qui marquerait le passage à l’âge adulte c’est l’abandon du jeu, qu’un adulte qui joue c’est un peu suspect. Antoine Bourguilleau

On continue d’apprendre en jouant même adulte. Antoine Bourguilleau

S’extraire du reel 

Le jeu entretien un lien étroit avec la fiction, c'est un moyen de s'extraire de la réalité explique Antoine Bourguilleau. 

Les gameurs ne perdent pas de vue que le jeu c’est pour de faux, comme quand ils étaient petits. Antoine Bourguilleau

Lorsqu’on est dans le jeu on quitte le réel, grâce au jeu l’enfant prend le risque du tâtonnement expérimental. Catherine Watine

Il y a un début au jeu et une clôture, lorsque l’enfant revient à la réalité. Catherine Watine

Et un certain rapport à la vérité

Mais le jeu entretient aussi un certain rapport avec la vérité, et à la transparence, rappelle Catherine Watine.

Le jeu ne peut absolument pas s’imposer, il ne peut pas se décliner à l impératif. Catherine Watine.

On se met à nu dans le jeu, tout son savoir faire et son savoir être devient transparent, il y a une certaine fébrilité. Catherine Watine

Il y a cette idée qui veut que le jeu ne soit pas sérieux, mais le jeu c’est tout à fait sérieux. Antoine Bourguilleau

Jouer pour grandir 

Catherine Watine rappelle les vertus éducatives du jeu, même si selon elle c'est un acte gratuit : on n ne joue pas pour apprendre, on apprend en jouant.

Le besoin de se confronter à l’autre est absolument fondamental, l’enfant va pouvoir connaitre ses limites. Catherine Watine

L’agressivité est un moteur important tant qu’il n’y a pas de passage à l’acte. Catherine Watine

Apprendre à perdre c’est important, à gagner aussi, il y a un enjeu dans le jeu. Catherine Watine

Concordance des temps
59 min

Les effets cathartiques du jeu 

Catherine Watine rappelle aussi ses vertus cathartiques.

Rejouer des scènes qui peuvent être choquantes c’est essentiel, c’est ce qu’on appelle la catharsis. Catherine Watine

Pour les enfants jouer la mort ça n’est pas un problème, ça pose surtout question aux parents. Catherine Watine

Les jeux de plateau 

Les jeux de plateau font preuve d’une grande inventivité aujourd’hui.

Les échecs ne sont pas un jeu de guerre à proprement parler, c’est une représentation de la guerre, une version stylisée. Antoine Bourguilleau

Le jeu de go est une simulation géo-stratégique, par rapport aux échecs qui sont plus une simulation de bataille. Antoine Bourguilleau

À réécouter : Le succès et l’échec
La Vie intérieure
5 min

Les jeux vidéo

Julien Annart explique que les jeux video sont finalement plus des jeux d’action que de violence.

Fortnite a une représentation très cartoonesque de la guerre, c’est une guerre qui se pratique comme dans les cours de récréation. Call of duty donne une vison de la guerre plus hollywoodienne, plus spectaculaire. Julien Annart

Il y a une politisation des gameurs aujourd’hui qui n’abordent plus leur pratique uniquement d’un point de vue consumériste. Julien Annart

La paix et la sortie vers la paix c’est difficile de les représenter autrement qu’en valorisant la guerre. Julien Annart

Les liens entre armement et jeux vidéo

Comme l'explique Julien Annart, les gameurs représentent un public qui intéresse l'armée et l'industrie de l'armement.

L’armée américaine a très bien compris le potentiel des jeux vidéos et cible le public des gameurs. Julien Annart

Toutes les armées mondiales utilisent aujourd'hui le jeu vidéo comme entrainement. Julien Annart

Lien vers la page de l’ IEGP (Institut des études sur la guerre et la paix) à l'Univserité Paris 1 Sorbonne.

Retrouvez le site de la FOr'J, fédération et organisation de Jeunesse en Belgique francophone.

Lien vers la page de l'association A l'adresse du jeu.

Dans l'actualité 

Avec Philippe Watrelot, professeur de sciences économiques dans un lycée de l’Essonne, au sujet du protocole sanitaire dans les écoles, collèges et lycées, et de l’enseignement à distance.

Illustrations sonores

  • Ne joue pas au soldat, Les sunlights (1967)
  • Don't make me over, Dionne Warwick (1962)
  • Bande annonce de la série Le jeu de la dame, diffusée sur Netflix
  • Archive avec Susan Sontag (1976)
  • Extrait d'un discours de Ronald Reagan de 1983
  • Extrait du film Wargame de John Badham (1983)

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